Intervention de Alain Tourret

Réunion du 4 mai 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Dans ce domaine, la justice s'avère sinistrée. J'ai traité des dossiers relatifs à l'amiante dans ma vie professionnelle, et jamais les demandeurs et les défendeurs ne s'accordent dans ces affaires ; le patronat refuse tout accord et toute conciliation, si bien que les procès sont extrêmement longs. En outre, des actions pénales se croisent avec les procédures civiles, ce qui participe à augmenter la durée des affaires. Le dossier sur l'amiante est né à Condé-sur-Noireau, où j'ai accompagné les parties civiles en 1996 ; or, l'affaire n'est toujours pas résolue, vingt ans plus tard ! Bien évidemment, presque tous les gens sont morts pendant cette période, alors que, dans le même temps, l'Italie condamnait des responsables patronaux à plus de quinze années d'incarcération. Il s'agit de scandales absolus !

De plus, on a reconnu le préjudice de l'anxiété, pour lequel les juridictions ne sont pas complètement outillées alors qu'il générera un contentieux colossal. On en est victime lorsque l'on ne souffre pas du cancer de l'amiante, mais que l'on redoute d'en être malade parce que l'on vit dans une zone exposée. Toute personne atteinte par l'amiante ou s'étant trouvée à son contact peut revendiquer un préjudice d'anxiété, que les employeurs refusent également de reconnaître. Chaque dossier est donc un combat acharné, que mènent des batteries d'avocats payés par les employeurs.

Les avocats se sont désintéressés des dossiers relatifs à la sécurité sociale, le pourcentage de présence des avocats dans ces affaires s'avérant très faible. Les plaignants ou les associations se présentent donc eux-mêmes. Dès que les victimes auront connaissance du taux très élevé de réussite des procédures lancées dans le cadre de ce contentieux – bien supérieur à celui relevé dans les autres juridictions –, le nombre des dossiers explosera. Des centaines de milliers d'affaires se trouvent déjà en cours d'instruction.

Monsieur le garde des Sceaux, il convient de nommer des dizaines de magistrats pour traiter ces dossiers, afin d'éviter que ne prospère une terrible injustice. En effet, la plupart de ces gens meurent à cause des cancers ou d'autres maladies contractées du fait de leur exposition à l'amiante. Lorsqu'ils saisissent un tribunal, leur espérance de vie est inférieure à la décennie que durera la procédure.

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