Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 4 mai 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Cet amendement, relatif à la difficile question de la collégialité, reprend les dispositions d'un projet de loi déposé au mois de juin 2013.

Une loi du 5 mars 2007 renforçait l'équilibre de la procédure pénale par une collégialité obligatoire mais son entrée en vigueur fut reportée à plusieurs reprises, chaque fois pour les mêmes raisons : elle nécessite des moyens considérables que les gouvernements successifs n'ont jamais été capables de mobiliser. Aujourd'hui, il ne faudrait pas moins de 300 magistrats de l'instruction supplémentaires !

En outre, une question de fond a souvent été soulevée : faut-il que cette collégialité soit systématique ? Ce n'est le cas dans nul autre pays. Le Gouvernement a donc déposé, au mois de juin 2013, un projet de loi, dont cet amendement reprend les dispositions, qui réserve la collégialité de l'instruction aux cas où les parties la demandent ou les magistrats l'estiment nécessaire et prévoit qu'elle ne porte que sur les phases de l'instruction justifiant effectivement qu'une décision soit prise par un collège de trois juges. C'est une collégialité qui viendra, le cas échéant, renforcer la co-saisine, maintenue en raison de son efficacité. Chaque fois que son intervention aura été sollicitée, le collège sera de plein droit compétent pour statuer, selon les cas, sur la demande d'un mis en examen de devenir témoin assisté ou sur les demandes d'acte ou d'expertise, sur le respect du calendrier prévisionnel de l'instruction ou sur le règlement de l'information.

Cette réforme, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er octobre 2018, implique, comme le faisait la loi du 5 mars 2007, que les juges d'instruction seront tous regroupés dans les tribunaux de grande instance dans lesquels il y a un pôle de l'instruction, la fonction de juge d'instruction étant supprimée dans les autres tribunaux – que chacun comprenne bien les conséquences de l'adoption de cet amendement dans les juridictions. Le Gouvernement pourra toutefois compléter la liste des juridictions dans lesquelles il y a actuellement un pôle de l'instruction, afin de créer de nouveaux pôles si l'activité pénale de la juridiction le justifie, mais, mon expérience d'élu local me l'a appris, il est extrêmement difficile de convaincre le ministère de la pertinence d'une demande, les seuils d'évaluation étant assez aléatoires ; je défends donc le principe, mais je sais que la portée pratique peut être discutée.

Cet amendement met ainsi en place, d'une façon cohérente, réaliste et équilibrée, une collégialité de l'instruction qui permettra à l'institution judiciaire de traiter les affaires pénales les plus graves et les plus complexes d'une manière tout à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense et de la présomption d'innocence.

Cependant, si le Parlement souhaitait aller plus loin, et considérait, du fait des avancées enregistrées et de l'essor progressif de la co-saisine, que la collégialité de 2007 peut être abandonnée sans que soit prévue pour autant une nouvelle forme de collégialité qui éviterait la disparition des juges d'instruction dans les tribunaux infra-pôles, le Gouvernement ne s'y opposerait pas.

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