Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du 4 mai 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Les dispositions que l'amendement CL277 a pour objet d'insérer tendent à la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs.

Issu de la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, le tribunal correctionnel pour mineurs est une émanation du tribunal correctionnel. Il est composé de trois magistrats professionnels – un président qui exerce les fonctions de juge des enfants et deux juges non spécialisés – et est compétent pour juger les mineurs de plus de seize ans, poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale. Le souhait du législateur était de donner davantage de charge et de solennité au jugement des mineurs récidivistes.

L'utilité d'une telle juridiction est aujourd'hui remise en cause, notamment par tous les magistrats que nous avons pu entendre dans nos auditions.

Sur le plan organisationnel, d'abord, elle constitue une source de complexité inutile, d'autant qu'elle concerne moins de 1 % des contentieux relatifs aux adolescents. Elle désorganise les tribunaux, qui connaissent déjà des difficultés significatives, en ajoutant des audiences pour lesquelles magistrats et greffiers non spécialisés doivent se former dans un temps court aux procédures spécifiques de la justice des mineurs. Cette option est, de surcroît, peu lisible car il est paradoxal que le tribunal pour enfants connaisse du jugement de faits criminels commis par des mineurs de moins de seize ans mais pas du jugement délictuel de mineurs de seize ans et plus en état de récidive légale.

Sur le plan juridique, ensuite, cette juridiction met à mal le principe de primauté de l'éducatif, l'un des principes directeurs de l'ordonnance du 2 février 1945, et crée une inégalité de traitement pour le jugement des mineurs de plus de seize ans. Elle est, en outre, en contradiction avec les standards européens et internationaux, au premier rang desquels la Convention internationale des droits de l'enfant. Il est effectivement stipulé au troisième alinéa de l'article 40 de celle-ci que les États doivent promouvoir « l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale ».

Sur le plan pratique, enfin, elle ne peut atteindre les objectifs que lui avait assignés le législateur de 2011, objectifs en partie vidés de leur sens par la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, qui a abrogé les dispositions relatives à la récidive légale. En effet, le Conseil constitutionnel n'a pas permis que cette juridiction soit directement saisie par le parquet comme peut l'être le tribunal pour enfants. Elle ne peut donc être saisie par la voie de la convocation par officier de police judiciaire ou par le biais de la procédure de présentation immédiate. Cela amoindrit en pratique l'efficacité de la réponse pénale. Alors que les mineurs récidivistes, déjà largement connus de la juridiction, gagneraient à être jugés rapidement, le tribunal correctionnel pour mineurs ne peut en aucun cas le faire car la procédure par laquelle il est saisi participe à l'allongement des délais.

De plus, les études réalisées à partir du casier judiciaire montrent que les tribunaux correctionnels pour mineurs prononcent par ailleurs – c'est important – moins de peines d'emprisonnement que les tribunaux pour enfants.

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