Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 4 mai 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Je cherchais les propos du président Louvel, premier président de la Cour de cassation, lors de l'audience solennelle de rentrée. Il disait, avec des mots bien mieux choisis que les miens, la nécessité de procéder à la réforme que je vous présente. Personne, d'ailleurs, n'imagine que le Gouvernement ne le fasse sans associer la Cour de cassation à la réflexion et à l'écriture des éléments qui vous sont présentés.

Je souhaite, pour des raisons d'influence du droit continental, que la Cour ait l'aura qui devrait être la sienne. Or, si l'on y prête attention, la doctrine européenne ne commente quasiment jamais les décisions de la Cour de cassation française. Il y a deux raisons à cela. Tout d'abord, comme le répète souvent le président Louvel, la Cour doit améliorer la lisibilité de ses décisions. Le Conseil d'État a fait ce travail, et c'est pourquoi il est aujourd'hui plus facile de s'approprier ses décisions que celles de la Cour. Ensuite, la Cour a rendu l'année dernière entre 26 000 et 28 000 décisions. C'est faramineux pour une juridiction suprême – de l'ordre judiciaire, la précision est importante.

Le Gouvernement est donc convaincu de la justesse de la démarche engagée, et il connaît toutes les pesanteurs, y compris au sein de la Cour, qui amènent à douter de la possibilité réelle de concrétiser ces intentions. Vient toujours un moment où l'on se perd en circonvolutions, au point de ne plus pouvoir faire des avancées pourtant peu audacieuses, puisqu'elles ont été faites par les cours suprêmes des autres pays de l'Union européenne.

Ces précisions étant apportées, les discussions avec la Cour sont permanentes : hier après-midi, mon directeur de cabinet s'entretenait avec des représentants de l'ordre des avocats aux conseils.

Je peux entendre beaucoup de remarques, monsieur Gosselin, mais pas que le Gouvernement vous fournit des amendements sur table. C'est discourtois au vu de la correction dont le ministre de la justice à fait part à l'égard de la commission des Lois. Il aurait été discourtois d'arriver en séance avec un amendement de cet acabit. Or j'ai déposé tous les amendements du Gouvernement à l'heure prévue pour le dépôt des amendements, soit vendredi à dix-sept heures. Ce n'est pas moi qui fixe les délais à l'Assemblée nationale, et le Gouvernement n'est d'ailleurs pas tenu de s'y tenir, il aurait pu déposer ses amendements bien plus tard. Par respect pour la commission des Lois, j'astreins mon cabinet à des conditions qu'il n'a jamais connues : jamais aucun garde des Sceaux ne s'est comporté de cette façon vis-à-vis de la commission des Lois. Et je peux vous le dire, car la mémoire de cette maison est assez fine. Je suis extrêmement vigilant, à l'égard du Sénat comme de l'Assemblée nationale, pour que les délais soient imposés à l'administration. Je n'accepte donc pas vos propos tendant à laisser penser que vous découvrez les arguments sur table.

Il n'en demeure pas moins que les propos qui ont été tenus me semblent fondés. Nous en avons déjà beaucoup parlé avec les rapporteurs, mais pas encore suffisamment. Je connais notamment leurs réticences sur la notion de « grief disciplinaire » : s'agit-il d'un défaut de motivation, d'une non-réponse ? Il faudrait préciser tout cela.

Je ne veux brutaliser personne, je n'ai pas d'argument d'autorité à faire valoir ici, et à la demande du rapporteur, je retire donc cet amendement. Je ne suis d'ailleurs pas certain de le présenter en séance : nous laissons peut-être passer une chance qui ne se présentera plus d'ici à la fin de la législature.

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