Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à défaut de ma bienveillance député, vous pouvez compter sur ma bienveillance d’avocat car je sais combien il est difficile de défendre un mauvais client. Il arrive même que l’on se perde dans ses notes, tant la difficulté est grande.
Je qualifierai l’article 1er de viral, en ce sens qu’il porte en lui la mort de votre projet de loi. Vous renvoyez à une commission d’experts la refondation législative du droit du travail, remplaçant ainsi la démocratie parlementaire par l’« expertocratie ». Comment ce texte peut-il avoir un destin alors que le Parlement deviendrait une force de proposition pour une commission d’experts sensée se réunir une fois son vote acquis ? Cela en fait une loi improbable, une loi « expertale », c’est-à-dire un cas inouï dans l’histoire parlementaire.
Dans votre dernière intervention de la semaine dernière, avant que nous nous séparions, vous avez justement indiqué que « l’entreprise […] est une communauté humaine ». L’enjeu du débat est d’éviter que cette communauté humaine devienne une communauté inhumaine. Tout l’équilibre est là, toute la difficulté est là.
Or la suite des débats démontrera que de nombreux articles du texte introduisent une sorte d’inhumanité dans les rapports entre l’employé et l’employeur, entre le fort et le faible. Je me permets de vous rappeler une pensée qui est à l’origine de tout travail social : « Entre le fort et le faible, […] c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »
Vous introduisez une différence de traitement inacceptable en faveur du patron, de l’employeur – et je n’ai pas le sentiment que les deux s’opposent nécessairement –, qui rend votre projet de loi complètement caduc du fait même de son existence.