Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 9 mai 2016 à 16h00
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Madame la ministre, à l’occasion de la présentation de cet amendement de suppression de l’article 1er, je souhaite revenir, comme vient de le faire mon collègue Marc Dolez, sur la question cruciale, sans doute la plus grave, de l’inversion de la hiérarchie des normes. Je ne reviendrai pas sur le remplacement du Parlement par une commission d’experts, sujet à propos duquel j’ai eu l’occasion de m’exprimer mercredi dernier.

Madame la ministre, je n’ignore rien, vous le savez, de la réalité des entreprises, en particulier des TPE et des PME, qui, dans l’immense majorité des cas, se débattent dans un environnement concurrentiel bien souvent difficilement vécu par les dirigeants eux-mêmes. Je représente un territoire où l’industrie, particulièrement l’industrie mécanique, reste très présente. Ces PME sous-traitantes sont souvent pressurées par des donneurs d’ordre qui, chaque année, pour les mêmes productions, demandent une réduction de 2 %, 3 %, voire 5 % des coûts.

Je vous donnerai deux exemples concrets, pour vous démontrer que l’inversion de la hiérarchie des normes entre la branche et l’entreprise est très préjudiciable.

J’ai visité, il y a peu, la filiale d’un groupe américain qui emploie 186 personnes. Un des dirigeants de l’unité – salarié et non propriétaire, bien entendu – m’a expliqué que le coût du travail représentait 14 % du prix des pièces sorties d’usine. Il m’a également indiqué que le groupe lui demandait des efforts de coûts et que votre projet de loi permettrait de revenir en arrière sur certaines conditions de travail, notamment le paiement des heures supplémentaires ou le nombre de jours de RTT, comme le préconisent les actionnaires. Malgré la présence de syndicats structurés dans cette PME, ses salariés sont sans cesse sujets au chantage à l’emploi. Je vous laisse en tirer les conclusions qui s’imposent.

Mon deuxième exemple concerne une filiale de Total, groupe que vous avez cité, mercredi dernier, dans votre réponse aux orateurs, madame la ministre. Voilà quelques années, cette PME de 250 personnes a connu des moments difficiles, qui ont conduit à un accord de maintien dans l’emploi – ou plutôt de limitation du nombre de suppressions d’emplois –, avec un gel des rémunérations pendant 36 mois et une augmentation du temps de travail. Dans les faits, l’accord d’entreprise est venu se greffer à l’accord de branche, qui a joué son rôle de plancher. Demain, avec l’inversion de la hiérarchie des normes entre l’entreprise et la branche, les représentants des organisations syndicales, acculés par les difficultés, ne pourront pas résister à la signature d’accords socialement moins-disants, qui risqueront de faire jurisprudence dans toute la branche.

Je ne suspecte personne de vouloir délibérément dégrader les conditions de travail et de rémunération des salariés mais il suffit qu’un actionnaire exige plus, comme ce fut le cas dans mon premier exemple, ou qu’une difficulté économique apparaisse, comme cela s’est passé dans mon deuxième exemple, pour que les protections des salariés volent en éclat, de proche en proche, sous la pression du chantage à l’emploi. Voilà pourquoi vous vous trompez de chemin, madame la ministre.

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