Ces personnes étaient pour la plupart des scientifiques, mais l'on relève aussi parmi elles des personnes sans qualification particulière, qui ont suivi leur conscience en accomplissant un acte citoyen. Or, au lieu d'être soutenues, toutes ces personnes ont subi des pressions de leur hiérarchie, ont été privées de crédits de recherche et ont fait face à des procès, qu'elles ont gagnés la plupart du temps. Ces pressions se sont déroulées dans le secteur privé mais également dans le secteur public.
La commission du développement durable a estimé qu'il fallait lancer un signal clair en faveur des lanceurs d'alerte. Voilà pourquoi elle a donné un avis favorable aux titres Ier et III, compte tenu de quelques amendements repris par la majorité de la commission des affaires sociales, que je remercie pour son soutien. Elle ne s'est en revanche pas prononcée sur le titre II.
Grâce à cette proposition de loi, la France suivra l'exemple de pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Autriche ou l'Afrique du Sud, qui ont reconnu la valeur des lanceurs d'alerte dans leur société. Plus largement, ce texte pose que les questions de santé et d'environnement ne sont pas l'apanage des pouvoirs publics ou des spécialistes et reconnaît à chacun le droit minimal de soulever un problème, en lui assurant une protection juridique dès lors que son action n'a pas un caractère diffamatoire.
J'insiste sur ce dernier point – s'assurer que l'alerte n'est pas le prétexte d'une diffamation masquée. C'est pour cette raison que nous avons introduit la notion de bonne foi dans le texte. Pour des raisons que je ne saisis pas, nos collègues de l'opposition ont estimé que cette notion était fragile et sujette à caution, alors qu'elle est solidement inscrite dans notre code civil et correspond à la croyance qu'a une personne de se trouver dans une situation conforme au droit, avec la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui. C'est exactement la situation des lanceurs d'alerte. C'est en toute bonne foi et, précisons-le, avec un total désintéressement qu'ils signalent à la société des éléments considérés comme dangereux pour la santé et l'environnement.
J'en arrive brièvement au second volet de ce texte : l'indépendance de l'expertise.
Assurer une expertise indépendante et impartiale est l'autre objectif de la proposition de loi. Sans cela, en effet, les alertes resteraient vaines. La plupart des scientifiques lanceurs d'alerte ont souligné que les objectifs de profit des industriels, toujours à court terme, étaient peu compatibles avec les évaluations sanitaires et environnementales, qui exigent plus de temps.
Il ne s'agit évidemment pas, par cette affirmation, de couvrir d'un voile de suspicion le monde de la recherche, notamment celui du secteur privé, qui est indispensable tant pour le progrès scientifique que pour notre économie. Il s'agit de doter notre pays de mécanismes afin que les agences en charge de l'expertise sanitaire ou environnementale puissent oeuvrer selon des règles déontologiques.
La déontologie est en effet une garantie d'indépendance. Nous ne pouvons, et ne devons d'ailleurs pas, empêcher les liens que les chercheurs nouent avec des organismes privés. Il convient en conséquence d'établir des procédures contradictoires et de soumettre les travaux de nos agences sanitaires à des règles déontologiques.
Le titre Ier de la proposition de loi vise à satisfaire cette exigence en instituant une commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement. Là encore, après Jean-Louis Roumegas, je tiens à rassurer l'Assemblée sur le fait qu'elle ne constituera pas une autorité nouvelle, dotée d'une personnalité morale et d'une autonomie budgétaire. Il s'agira d'une commission administrative, fonctionnant avec les moyens budgétaires existants et disposant de personnel fourni par l'administration. Sa mission essentielle sera de suivre et de faire progresser les pratiques déontologiques dans les agences et organismes, mais elle ne se substituera en aucun cas à ces agences dans l'accomplissement de leur mission.
Le texte qui est soumis à notre débat n'a donc rien de révolutionnaire, rien qui puisse inquiéter le monde de la recherche ou celui de l'économie. Il pose les bases de règles qui rassureront nos concitoyens quant à la qualité des expertises et met en place un circuit administratif pour garantir que les alertes ne resteront pas sans réponse. Les agences sanitaires et environnementales doivent pour leur part poursuivre la mise en place de leurs règles déontologiques. Je peux vous assurer qu'elles seront satisfaites de disposer, avec la nouvelle commission, d'un appui supplémentaire pour leur réflexion.
Compte tenu des éléments que je viens d'évoquer, la commission du développement durable a donné un avis favorable aux articles figurant aux titres Ier et III de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)