Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 9h30
Indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et protection des lanceurs d'alerte — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

La ministre de la santé a pris les décisions qu'il fallait prendre, alerté les autorités sanitaires européennes et bien dit à tout le monde de continuer sa pilule. S'il y a un doute, on va voir tranquillement son médecin et on en change mais, surtout, on ne l'arrête pas ! Puisqu'un jeune public nous écoute, il fallait le rappeler.

Que nous enseignent ces deux exemples, empruntés au domaine de la santé – que, je le reconnais, je connais mieux que celui de l'environnement ? Que, dans notre pays, en dépit des multiples agences et des procédures minutieusement mises au point, ce sont des hommes ou des femmes isolés, sans crainte des conséquences sur leur carrière ou leur vie personnelle, qui sont à l'origine des alertes ayant fait progresser la protection de la santé publique et de l'environnement. C'est donc hors du « système », et parfois hélas contre lui, que ces alertes sont trop souvent nées dans le passé.

Par cette proposition de loi, nous entendons mettre en place un mécanisme innovant pour créer les conditions favorables au lancement des alertes mais aussi à leur prise en compte et à leur traitement par les organismes publics oeuvrant dans le domaine de la santé et de l'environnement, les deux étant étroitement liés.

Il y va, j'en suis convaincue, de la vigueur de notre démocratie et de la confiance indispensable que nos concitoyens doivent avoir dans notre système d'expertise publique, confiance qui ne peut être assurée que par le renforcement de l'indépendance de nos agences, par la transparence des liens d'intérêts de leurs experts et par celle de leur fonctionnement.

Cette confiance est fragile. Le moindre soupçon de connivence ou de confusion entre science ou expertise d'une part, et intérêts économiques d'autre part, peut lui porter un coup fatal.

Soyons aussi vigilants en matière sectaire – je parle des sectes qui profitent de tout cela pour s'immiscer dans le débat public avec des vitrines « acceptables ».

Nous ne le savons que trop, si cette confiance est ébranlée, les peurs, les fantasmes, les malveillances, les désinformations et autres bobards se diffusent d'autant plus vite.

Nous avons tous en tête des exemples de telles dérives contre lesquelles il est essentiel de nous prémunir : la persistance des mouvements hostiles à la vaccination, le succès en librairie d'un pseudo-« guide » qui jette la suspicion sur une grande partie de notre pharmacopée et des médicaments sur le marché – j'en suis d'autant plus accablée que c'est un parlementaire, de l'opposition, médecin de renom, qui a coécrit ce livre…

Finalement, cette proposition de loi ne fait qu'étendre sur un champ plus vaste ce que nous avons collectivement élaboré en matière de pharmacovigilance et de médicaments. D'ailleurs, je veux saluer notre collègue Arnaud Robinet, qui a le premier introduit dans le code de la santé publique la protection des lanceurs d'alerte en matière de produits de santé, soutenu en cela par l'opposition de l'époque, à laquelle beaucoup d'entre nous appartenions.

C'est pourquoi, je l'avoue, j'ai du mal à comprendre l'attitude de l'opposition lors de l'examen du texte en commission. Elle nous dit comprendre et partager nos intentions. Elle nous dit que nous partons d'un constat juste et qu'elle ne conteste pas ce texte sur le fond, mais – il y a toujours un « mais » quand il s'agit de passer à l'acte – il y aurait un risque pour le développement de notre recherche, pour la compétitivité de notre industrie et de nos entreprises.

J'étais, vendredi dernier, avec Arnaud Montebourg, Frédéric Cuvillier et Geneviève Fioraso face à toute la filière aéronautique, qu'Arnaud Montebourg a appelée « l'antidépresseur industriel en France » car c'est l'une des filières dont nous pouvons être fiers. Airbus, qui est dans ma circonscription, m'a questionnée sur ce texte. Nous les avons rassurés tout de suite, en leur parlant des modifications intervenues en commission.

Ainsi, les dispositions de l'article 17 sur la protection du lanceur d'alerte s'appliquent uniquement à ceux qui ont respecté la procédure et alerté soit l'employeur, soit les autorités publiques ou judiciaires. La notion de risque grave a été retenue pour le lancement d'une alerte en entreprise. Le critère de bonne foi, par exemple, est essentiel, et l'article 19 renvoie aux peines prévues par l'article du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse pour toute alerte lancée de mauvaise foi avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits dénoncés.

Autre point sur lequel il fallait rassurer les industriels : le rapporteur a entièrement réécrit l'article 9 sur l'alerte en entreprise. Rassurer Airbus n'est pas une mince affaire ; eh bien, nous y sommes parvenus. Merci, monsieur le rapporteur !

Il n'y aura pas d'extension des prérogatives des CHSCT, ce qui était une autre inquiétude des grandes entreprises. Et elles ont aussi une responsabilité environnementale : dans les discussions que nous avons eues avec les têtes de pont de l'aéronautique, a notamment été abordée la question de savoir comment remplacer le kérosène par le biocarburant sans pour autant, par exemple, affamer l'Amérique du Sud qui se mettrait à ne cultiver que pour le biocarburant… Tout cela, les grandes entreprises l'ont bien en tête.

Je voudrais donc rassurer nos collègues de l'opposition, toujours prompts à défendre le marché – et c'est normal : nous aussi, nous voulons protéger nos entreprises.

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