Si nous remontons dans le temps, s'agissant de la lutte contre le changement climatique à l'échelle du monde, la première date est celle du sommet de Rio en 1992, où est née la gouvernance climatique. Y ont été signées la convention sur la diversité biologique (CDB), la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULD).
En novembre 2015, le sentiment dominait que cette gouvernance avait produit peu d'effets, car les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter pendant les vingt-cinq dernières années. La gouvernance climatique a en effet peiné à se structurer et à obtenir des résultats. Le protocole de Kyoto ne concernait que les pays développés et les anciens pays du bloc de l'Est, soit quelques dizaines de pays tout au plus. C'était en outre une démarche qui traitait la question par le sommet, dans une démarche dite « top down » : la communauté internationale fixait des objectifs globaux de réduction de gaz à effet de serre, avant que les efforts soient répartis entre pays.
On pourrait tirer le bilan du protocole de Kyoto sur une première période 2005-2012 et sur une deuxième période 2013-2020, celle que nous connaissons aujourd'hui. On reproche à l'accord de Paris de n'être pas contraignant ? Pour le protocole de Kyoto, le Canada a constaté qu'il n'est pas en mesure d'atteindre l'objectif et s'est purement et simplement retiré, sans encourir de sanction. Il en est allé de même pour le Japon, la Russie et la Nouvelle-Zélande, qui ne se sont pas engagés dans la deuxième période. Ainsi, le protocole de Kyoto a eu le mérite d'exister et de mettre en place ce dispositif, mais n'a guère permis d'avancer.
Certains ont souligné que peu de pays étaient intéressés par l'organisation de la COP21. À vrai dire, la France était tout simplement la seule candidate. La conférence de Lima avait eu le mérite d'engager la bonne démarche en partant du principe qu'il faudrait un accord universel qui concerne tout le monde. Tel était l'objectif défini.
Cela a débouché sur des demandes d'engagement national. Nous sommes alors passés dans une autre démarche, celle d'un accord universel climatique. Je ne sous-estime pas les manques de l'accord obtenu. Mais, comme l'ont dit M. Laurent Fabius et Mme Ségolène Royal, il constitue le meilleur accord possible compte tenu de l'objectif fixé.
Comme je l'exposais tout à l'heure, 175 parties ont signé l'accord de Paris dès l'ouverture à la signature à New York, le 22 avril, et, à ce jour, 177 parties l'ont signé. J'ajoute que quinze pays ont déjà déposé leur instrument de ratification, qu'il prenne la forme d'une ratification parlementaire ou d'une ratification par le gouvernement. Certes, il s'agit plutôt de pays de petite taille. Mais il semblerait que les États-Unis, la Chine et l'Inde ratifient d'ici fin 2016, permettant ainsi d'atteindre le double seuil de 55 % des pays et de 55 % des émissions de gaz à effet de serre.
Mme Ségolène Royal a exprimé son inquiétude quant à la question de savoir si l'Union européenne ne pourrait pas manquer son rendez-vous d'ici la fin de l'année, du fait que la compétence climatique est une compétence partagée entre les États membres et l'Union européenne. La France sera en tout cas la première au rendez-vous et il semble impératif que tous les autres États membres ratifient d'ici la COP22 de Marrakech. Beaucoup veulent cependant négocier d'abord la répartition de l'effort de réduction de 40 % des volumes d'émission d'ici à 2030, le Royaume-Uni et la Pologne ayant annoncé qu'ils diffèrent leur ratification de l'accord de Paris jusqu'à cette prochaine répartition de l'effort de réduction des gaz à effet de serre entre pays de l'Union européenne.
D'autres États membres ratifieront néanmoins sans attendre la décision de l'Union européenne. Il y a toute raison de le faire rapidement. Le paquet énergie-climat est un marqueur de l'Union européenne, qui ne doit pas perdre pied sur ces questions. Comme parlementaires nationaux, nous pourrions adresser en ce sens un message aux autres parlements de l'Union européenne, peut-être par le biais du président de notre assemblée.
Beaucoup d'entre vous se sont montrés réservés quant à l'aspect non contraignant de l'accord. Mais l'accord ne pouvait certainement pas l'être, puisqu'un système de sanctions n'existe pas hors le cas de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il est vrai qu'il n'y a pas de dispositif onusien pour pénaliser des engagements non respectés. En outre, les contributions étant volontaires, comment pourrait-on sanctionner un pays comme l'Éthiopie qui a pris des engagements importants, au cas où elle ne les respecterait pas, pendant que l'Arabie saoudite, qui a pris des engagements beaucoup plus flexibles n'encourrait aucune sanction ?
Ce que je crois, c'est que la transparence des engagements des uns et des autres sera totale. Les citoyens et les sociétés civiles exerceront une action en direction des responsables publics et politiques.
Dans les nouvelles perspectives ainsi ouvertes à l'économie et à l'environnement, la France peut être leader. Il y a quinze jours, nous avons entendu M. Pierre Radanne, président de l'Association 4D, sur les enjeux et l'analyse de l'accord de Paris. Il a souligné que l'économie décarbonée peut être à l'origine d'une nouvelle prospérité, terme que je préfère à celui de croissance.
Les cycles nouveaux sont ouverts, soit par des guerres, soit par des ruptures ou révolutions technologiques. Or, les exigences nées de la nécessité d'une économie décarbonée amèneront une révolution technologique qui concernera l'ensemble de la communauté internationale. Cette révolution peut être porteuse d'une nouvelle prospérité.
Lorsque l'on regarde les initiatives et les coalitions mises en place, l'on constate cette formidable évolution technologique en cours. L'Union européenne a une responsabilité dans ce domaine. Dans notre résolution du 25 novembre dernier dont j'ai parlé, nous avons précisément formulé des propositions pour l'après COP21. Car l'Union européenne devra être au rendez-vous. S'il n'y a pas aujourd'hui d'Europe de l'énergie, l'Union européenne doit pourtant consacrer à la question des moyens financiers plus importants. Nous voyons bien que nous allons vers une nouvelle stratégie énergétique et une énergie propre.
Le budget européen pourrait jouer un rôle plus important en ce domaine s'il y avait des possibilités d'emprunter pour l'Union européenne, qui doit garder son leadership et porter à l'international sa révolution bas carbone.
Les pays en voie de développement l'attendent. Ils seront partie prenante dans la deuxième phase de la transition. En Afrique, 75 % des habitants n'ont pas accès à l'électricité aujourd'hui. Le moment venu, on n'investira plus dans des centrales à charbon, mais dans des centrales d'énergie renouvelable. On peut même penser que l'exploitation de ces nouvelles sources d'énergie se mettra en place au même rythme et avec les mêmes technologies que dans les pays économiquement développés. Tels sont les vrais enjeux de la question.
Quant à l'agenda des solutions, je voudrais vous citer quelques initiatives et coalitions, telle que celle qui réunit l'Allemagne, la Norvège et le Royaume-Uni sur la question de la forêt, chère à notre collègue Jean-Yves Caullet. À cette initiative, la France pourrait participer elle aussi. Portée par Stéphane Le Foll, l'initiative 4 pour 1000, vise à accroître la part de matière organique dans les sols pour y stocker du carbone, tout en luttant pour la sécurité alimentaire et en améliorant le rendement agricole. Une initiative relative aux transports vise à promouvoir le fret respectueux de l'environnement conformément à un plan d'action mondial. Le fret vert pourrait mobiliser d'ici 2025 cent des plus grands chargeurs et transporteurs du monde. S'agissant du financement, 106 banques et investisseurs se sont engagées. D'autres initiatives existent en faveur de la construction et du solaire. De nombreux acteurs sont mobilisés.
Même si j'ai des réserves, la COP21 me semble un véritable point de départ. Certes, les engagements nationaux doivent être revus à la hausse, car en 2025, ce sera trop tard pour le faire. L'emballement climatique est déjà là, et il n'est sans doute pas étranger aux immenses incendies de forêts au Canada. Je crains que de tels événements ne se renouvellent, ne se multiplient et ne s'amplifient, à mesure que progressent les changements climatiques. Peut-être cela conduira-t-il la communauté internationale à être plus réactive.
Le prix du carbone exerce aujourd'hui son emprise sur 17 % des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est à la fois peu et beaucoup. La Banque mondiale a récemment lancé une initiative en vue de constituer une avant-garde climatique concernant la taxation du carbone. La Chine a elle aussi le projet de développer la taxation du carbone au niveau national en 2017.
La mission exploratoire confiée à MM. Pascal Canfin, Alain Grandjean et Gérard Mestrallet au niveau européen me semble particulièrement intéressante elle aussi. Comment voulez-vous que nous adressions un signal prix efficace alors que le prix du marché est à cinq ou six euros la tonne seulement ? (Approbations) Demain, d'autres pays de l'Union européenne intégreront un prix carbone dans leurs énergies fossiles. Les pistes existent, il faut les examiner. Progressons sur les chemins tracés par la COP21.
L'accord de Paris est un accord climatique universel. Il n'appartient qu'à la communauté internationale qu'il soit un accord historique.