Intervention de Michel Piron

Réunion du 4 mai 2016 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron, rapporteur :

Pour donner du sens à la transformation numérique de l'État, il nous faut d'abord nous demander pourquoi et pour qui numériser.

Pour que le processus de numérisation soit une réussite, une première condition doit être remplie : la numérisation doit être un « plus », elle doit permettre d'améliorer l'efficience administrative et le service rendu aux usagers.

Dans le rapport intitulé « La nouvelle grammaire du succès » qu'il a remis au Gouvernement en novembre 2014, M. Philippe Lemoine estime que la transformation numérique des secteurs économiques traditionnels produit huit effets principaux, que l'on peut regrouper de manière synthétique en trois familles : l'automatisation, la dématérialisation et son impact sur les guichets et, enfin, la désintermédiationré-intermédiation et ses effets sur la réorganisation des services. De fait, ces effets affectent bien les tâches d'un certain nombre d'agents, d'où la nécessité de donner du sens à cette mutation ; nous verrons plus loin comment les accompagner.

S'agissant des usagers, auxquels la numérisation doit profiter, il est nécessaire de mieux analyser leur perception de cette transformation. Nous proposons donc de les interroger plus systématiquement, en croisant les points de vue – sans omettre, par exemple, d'interroger les aidants qui accomplissent les démarches administratives pour le compte d'un tiers âgé ou en situation de handicap – et de varier les canaux d'enquête, en recourant non seulement aux sondages téléphoniques mais aussi à des observations et à des entretiens au guichet des administrations ou à des échanges au sein de panels d'usagers ou réunissant davantage de parties prenantes.

Si la systématisation des enquêtes d'opinion destinées à mesurer le degré de satisfaction des usagers est une bonne chose – c'est un outil de base –, ces derniers sont néanmoins encore trop rarement consultés en amont du développement de nouveaux services numériques. Or, on pourrait, en comblant cette lacune, s'épargner bien des désillusions – je pense à la fréquentation de certains sites internet, qui apparaît parfois très faible précisément parce que les usagers n'ont pas été suffisamment consultés en amont. Pour que l'idée d'une transformation numérique par les usages – idée extrêmement convaincante – puisse devenir réalité, la conception même des téléprocédures devrait donc être réalisée sur le fondement d'expérimentations locales ou sectorielles avec les usagers, en interrogeant ceux-ci sur leurs besoins et leurs attentes. En tout état de cause, il ne faut pas se contenter de simples retours d'expérience.

L'accessibilité aux services numériques, question essentielle, recouvre deux enjeux. Le premier est de planifier l'accessibilité de manière plus large et de communiquer avec les usagers : accueil physique de proximité, accueil téléphonique, information. Nous avons en effet recueilli des témoignages d'agents de la DGFiP qui regrettaient que des téléservices, pourtant efficaces et faciles d'emploi, ne soient pas connus des usagers. Le second enjeu est de généraliser les services publics numériques sans dégrader le service rendu aux usagers les plus défavorisés. Nous citons, dans le rapport, l'alerte lancée par le collectif Emmaüs Connect, qui décrit bien ce risque. Cette préoccupation se retrouve dans le rapport de 2013 du Conseil national du numérique intitulé « Citoyens du numérique. Accès, littératie, médiations, pouvoir d'agir : pour une nouvelle politique d'inclusion », qui précise que la médiation doit être un processus pérenne, et non se limiter à un accompagnement épisodique.

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