Intervention de Jean-Yves Caullet

Réunion du 4 mai 2016 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Caullet :

Je tiens à remercier à mon tour nos rapporteurs pour ce rapport, qui contient une véritable évaluation et ouvre des pistes de progrès. Néanmoins, il laisse en suspens un certain nombre de questions.

En ce qui concerne la sécurité, ma préoccupation porte surtout sur la sécurité publique : comment peut-on se garantir contre l'usage d'identités virtuelles et de nouvelles menaces, par exemple ? De même, je souhaiterais savoir comment l'ensemble de ces services fonctionneraient en mode dégradé : imagine-t-on notre État numérisé confronté à une panne ? Comment la société supporterait-elle ce type de déflagration ?

Par ailleurs, je rejoins les préoccupations qui ont été exprimées au sujet des compétences de l'État. Pour développer le numérique, il faut couvrir le territoire. Or, les collectivités locales font face à une offre technique qu'elles ne maîtrisent pas, et elles ne peuvent pas s'en remettre à un tiers de confiance. Telle collectivité va faire ceci, l'autre fera cela, sans se soucier de la compatibilité des systèmes adoptés. Dès lors, n'est-il pas indispensable de veiller à conserver un tiers de référence technique pour les acteurs qui souhaitent participer à la couverture du territoire ? Cela vaut également pour les choix de logiciels des collectivités, qui peuvent être différents au sein d'une même communauté de communes, par exemple.

J'ai également une crainte : lorsque la présence physique disparaît au profit du virtuel, les choses vous échappent et, ne sachant pas qu'elles existent, vous ne les contrôlez pas.

En ce qui concerne les procédures, nos rapporteurs ont évoqué les usagers dans leur ensemble, professionnels et particuliers. Or, leurs situations respectives sont très différentes. Le professionnel est dans une situation analogue à celle de l'administration, qui traite de nombreux dossiers identiques : il est amené à suivre plusieurs fois les mêmes procédures. Le particulier, quant à lui, ne passera qu'une fois le permis de conduire et il déposera peut-être trois permis de construire au cours de sa vie. Pour lui, tout est nouveau : il n'a pas d'habitudes dans ce domaine. Il faut donc que la procédure revête un aspect relativement uniforme pour éviter qu'il ne soit dérouté à chaque fois qu'il a une démarche à faire. J'ajoute à ce propos que ce n'est pas parce que l'on peut modifier facilement, même pour l'améliorer, l'interface numérique d'une procédure qu'il faut en changer sans cesse, car c'est très déroutant pour les particuliers. Prenons garde que le gain de temps permis par la numérisation ne soit pas investi dans une inflation de changements.

S'agissant du tiers de confiance, le président-directeur-général de La Poste rappelait récemment que celle-ci vérifie des identités et des adresses, ce qui lui donne la capacité de concevoir la mission de tiers de confiance. Sera-ce gratuit ou payant ? Toutes ces formalités sont ennuyeuses ; ceux qui en ont les moyens paient de petites mains qui s'en acquittent à leur place. Mais, ce qui est bon pour les riches n'étant que rarement mauvais pour les moins riches, ces tiers de confiance devraient être également des tiers de compétence et il serait bon qu'ils soient accessibles à tout un chacun. Se pose alors, cependant, outre la question du coût, celle de la responsabilité : qui est responsable si ce tiers commet une erreur en remplissant une déclaration d'impôt, par exemple ?

Enfin, cela a été dit, avec le numérique, les usagers attendent une réponse rapide et, lorsque celle-ci leur parvient, il est fort possible qu'ils ne la voient pas, compte tenu du flot d'informations qui circule dans sa boîte e-mail.

En conclusion, vous l'aurez compris, je ne suis pas un fanatique du numérique par principe. Lorsque l'information circule à la vitesse de la lumière, il lui arrive ce qui arrive à la masse : elle disparaît. Or on constate aujourd'hui, dans les mobilisations citoyennes, la force que confère au slogan sa simplicité, sur des sujets complexes. Il nous faut donc nous astreindre à une certaine ascèse, sous peine de nous faire déborder par un simplisme brutal. J'ajoute que, dans la société numérique, on reste seul chez soi, à communiquer avec des personnes qu'on ne voit jamais. Cela peut poser problème, à la longue…

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