Intervention de Michel Piron

Réunion du 4 mai 2016 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron, rapporteur :

Le président Bartolone a dit l'essentiel. N'oublions pas qu'il ne s'agit que d'outils, de véhicules de communication, qui ne remplacent ni le contenu des services ni les fins que ces outils sont censés servir. Je reste convaincu que plus on a de pouvoirs et de possibilités, plus on doit être responsable et faire des choix de gouvernance et de maîtrise. Aussi serait-il très grave d'imaginer que l'ingénierie publique puisse renoncer à toute possibilité de réguler l'usage de ces outils. Car, comme tout outil, ils peuvent servir à la fois au meilleur et au pire, favoriser la communication ou la manipulation. Parce que l'outil est en soi ambivalent, l'intervention d'une puissance régulatrice est nécessaire.

J'ai été très sensible au caractère extrêmement concret des questions des uns et des autres. En entendant certains d'entre vous évoquer la nécessité d'une médiation, donc d'une présence physique, je pensais à Lévinas qui a tant réfléchi sur le visage. La réponse, au moins pour les plus fragiles, doit avoir un visage – l'application Facetime n'est pas inintéressante à cet égard. Là encore, la technique peut elle-même s'améliorer, se corriger.

Par ailleurs, on présuppose que l'outil simplifie. Or, il ne simplifie pas tout seul, au contraire : dès lors qu'il multiplie les possibilités, il peut favoriser la complexification ou le changement perpétuel qui, même si Hegel a dit que l'être était dans le mouvement, n'est pas ce qui simplifie le plus la vie de nos concitoyens. Je me souviens ainsi d'avoir entendu, lors d'un congrès de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) le témoignage d'un notaire qui se plaignait de devoir donner à l'acheteur d'un deux-pièces 400 pages de documents, ce qui nécessitait six mois de travail – 400 pages que, bien entendu, personne ne lira. On lui a alors répondu que la dématérialisation résoudrait le problème. Mais ce n'est pas parce que l'on dématérialisera ces 400 pages que leur contenu ne demeurera pas une source de contentieux et de complexité ! Il s'agit d'un enjeu majeur, car la numérisation peut favoriser un excès de créativité.

En ce qui concerne les économies permises par la transformation numérique de l'État, on nous a indiqué que la DGFiP avait supprimé 15 % d'ETP entre 2010 et 2015, mais la numérisation n'est pas seule raison de la diminution des dépenses de personnel. Disons-le clairement, ces nouvelles procédures induisent forcément des économies, mais celles-ci ne sont pas l'objectif principal de la réforme, qui doit surtout permettre de rendre le service d'une autre manière.

Par ailleurs, la sécurité est un sujet considérable : la question de la régulation est majeure. L'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est parfaitement consciente que, sous cet aspect, le signe n'est pas le même pour le public et pour le privé. Cette transformation très rapide, profonde et inéluctable, soulève une véritable question : jusqu'où gardons-nous la maîtrise collective du bon usage de ces outils très inventifs ?

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