Face à la vague de la numérisation, si nous ne mettons pas en oeuvre une politique d'accompagnement, avec un grand « P », si nous ne décidons pas de la surfer, nous serons engloutis, car l'ensemble des économies et des démocraties utilisent ces technologies que, par ailleurs, les plus jeunes maîtrisent parfaitement. Dès lors, les questions que nous devons nous poser, ce sont celle du sens que nous donnons à cette évolution et celle de la société dans laquelle nous souhaitons vivre.
Il est vrai que le numérique se caractérise par l'immédiateté. D'où les discussions que nous avons eues, et que nous aurons, sur le droit à la déconnexion, afin de limiter la confusion entre vie personnelle et vie professionnelle. Les agents de la fonction publique sont autant, voire davantage, soumis à cet impératif d'immédiateté. Ce sujet doit donc faire l'objet d'une réflexion globale.
Par ailleurs, le numérique affecte tous les secteurs d'activité mais à une vitesse variable. Le rapport Lemoine distingue trois cercles : le premier est composé des secteurs directement liés au numérique, tels que les télécoms ; le deuxième est composé des secteurs qui ont été les premiers à être affectés par cette évolution, c'est-à-dire les transports, l'hôtellerie, par exemple, et ainsi de suite. En tout état de cause, tous les secteurs sont aujourd'hui impactés et l'on voit bien que les fonctions qui le sont le plus sont celles de l'intermédiation. De fait, toutes les fonctions intermédiaires sont appelées soit à disparaître pour certaines, soit à se transformer, d'où la nécessité d'adapter les compétences afin que cette évolution permette d'offrir des opportunités aux agents. Il nous faut anticiper et penser ce changement. L'intermédiation est très affectée actuellement dans le secteur de l'assurance et de la banque, où ces fonctions disparaissent. Mais la même question se pose dans la fonction publique ; nous devons donc absolument y réfléchir.
En ce qui concerne la déshumanisation, j'estime que si le numérique peut apporter un « plus » dans l'aménagement du territoire, il n'implique en aucun cas une disparition de l'humain. Au cours de nos auditions, nous avons recueilli le témoignage d'agents de préfecture qui nous ont indiqué que, dans certaines d'entre elles, vous n'avez pas d'autre possibilité que de remplir vos formalités sur une borne, sans bénéficier d'un accompagnement humain. Or, l'usager peut souffrir d'un handicap, être illettré ou ne pas parler le français, par exemple. Une présence humaine est donc nécessaire. L'aménagement du territoire, je le répète, peut bénéficier de la numérisation, mais il convient de repenser le rôle de chacun. À cet égard, La Poste a un rôle à jouer et elle souhaite le jouer – puisqu'elle est en pleine transformation numérique – en tant que tiers de confiance. Il est vrai cependant que cela soulève la question de la responsabilité du tiers qui aura commis une erreur en remplissant une déclaration de revenu, par exemple. Nous devons réfléchir à l'ensemble de ces questions.
En matière de santé, nous avons probablement pris du retard. En France, nous avons des acteurs très performants dans le domaine du Big data et dans celui de l'intelligence artificielle, de sorte que nous pouvons créer des filières également très performantes, susceptibles d'apporter un service supplémentaire aux citoyens en matière de prévention. Mais il faut mener une réflexion approfondie sur la sécurité des données, sans oublier la question des déserts médicaux. Nous devons avancer un peu plus vite, avec les précautions nécessaires. En tout état de cause, il s'agit selon moi d'un sujet essentiel.
Nous avons devant nous un vaste chantier, passionnant. Mais il nous faut prendre garde à ne pas subir la technologie ; nous devons y réfléchir et anticiper les évolutions qu'elle induit.