Le Canada est un partenaire important de l'Union européenne en matière de transport aérien. En 2008, plus de 9 millions de personnes ont voyagé entre l'Union européenne et le Canada, passage obligé vers un territoire français, donc européen, Saint-Pierre-et-Miquelon.
Aussi convient-il de se féliciter de la conclusion d'un accord sur le transport aérien entre l'Union européenne et le Canada, le 30 novembre 2008, entériné par le Conseil le 6 mai 2009, dont il vous est proposé d'autoriser la ratification.
Cet accord est sans doute le plus ambitieux conclu entre l'Union européenne et un pays du G20. La Commission européenne souligne qu'il devrait « ouvrir, lorsqu'il rentrera en vigueur, de nouvelles possibilités de développement au secteur aérien par la libéralisation progressive des règles de participation étrangère. Il est en particulier plus ambitieux et plus précis que l'accord conclu entre l'Union européenne et les États-Unis en matière de droits de trafic, de participation et de contrôle ».
L'accord soumis à notre examen prévoit la mise en place progressive de droits de trafic et de possibilités d'investissement ainsi qu'une coopération approfondie dans plusieurs domaines : la sécurité, la sûreté, les questions sociales, les intérêts des consommateurs, l'environnement, la gestion du trafic aérien, les aides d'État et la concurrence.
Toutes les compagnies aériennes de l'Union européenne pourront exploiter des vols directs à destination du Canada depuis n'importe quel aéroport européen. Toutes les restrictions existantes relatives aux routes, aux prix ou au nombre de vols hebdomadaires entre le Canada et l'Union européenne devraient être supprimées. Les transporteurs auront la faculté de conclure des accords commerciaux, comme des accords de partage de code.
Selon une étude de la Commission européenne, la conclusion d'un accord de ciel ouvert avec le Canada engendrerait un apport de 500 000 passagers supplémentaires la première année. Dans un délai de quelques années, 3,5 millions de personnes supplémentaires pourraient profiter des nouvelles possibilités offertes. La baisse des tarifs attendue pourrait à terme générer un gain d'au moins 72 millions d'euros pour les consommateurs, sous la forme de réduction de tarifs. Néanmoins les évaluations de la Commission européenne me sont parfois apparues peu travaillées et irréalistes.
Toutefois nous devons faire certaines observations critiques :
Le discours officiel de la Commission européenne évoqué précédemment doit être relativisé dans la mesure où :
- il se substitue à l'accord bilatéral entre la France et le Canada, déjà très libéral ; de ce fait il n'existe pas dans cet accord de services qui ne pourraient pas actuellement être mis en oeuvre. Il ne me semble pas qu'il y ait d'énormes évolutions ;
- la plupart des dispositions allant au-delà de ce qui figure dans l'accord aérien signé il y a quelques années entre l'Union européenne et les États-Unis – comme le cabotage ou la libéralisation des règles de propriété et de contrôle des transporteurs – n'entreront en vigueur que lorsque les autorités canadiennes en auront décidé ainsi. Rien ne laisse à penser que les autorités canadiennes pourraient le faire prochainement, comme le montre le texte de l'Office fédéral des transports. Nous pouvons également trouver des écrits en ce sens dans les journaux canadiens.
En conséquence, si la Commission européenne peut avancer qu'elle s'est conformée scrupuleusement au mandat de négociation ambitieux que lui avait confié le Conseil, cette affirmation n'est que partiellement exacte dans la mesure où la plupart des dispositions novatrices de ce texte restent dépendantes d'une décision souveraine des autorités canadiennes, qui vont jusqu'au bout de la négociation et ne lâchent jamais rien.
L'inapplicabilité de l'accord en question à Saint-Pierre-et-Miquelon est très étonnante, s'agissant de la partie du territoire français, si ce n'est européen, la plus concernée par les relations de transport aérien avec le Canada.
Cette inapplicabilité à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'est pas clairement établie pour votre rapporteure, du fait du statut antérieur de DOM de Saint-Pierre-et-Miquelon, s'explique par le fait que Saint-Pierre-et-Miquelon compte parmi les Pays et Territoires d'Outre-Mer associés à l'Union Européenne et à ce titre exclus de l'Union douanière.
Il conviendrait que cette question puisse être rapidement tranchée car si cette situation perdure elle ne manquera pas d'entraîner de réelles difficultés dans l'avenir pour les transporteurs de l'archipel, comme du Canada, qui demeureraient soumis a un cadre réglementaire abrogé partout ailleurs, et susceptible de créer des difficultés inextricables puisque les trajets entre Saint-Pierre-et-Miquelon et Paris pourraient obéir à deux régimes juridiques différents.
Comment priver ce morceau de France d'un texte qui, pour la Commission européenne, constituera une étape majeure dans l'ouverture des marchés et des débouchés pour les investissements et procurera de grands avantages aux consommateurs, aux compagnies aériennes et, plus généralement, aux économies des deux partenaires ?
Les dispositions négociées préservent le droit des parties de prendre et d'appliquer des mesures appropriées pour agir sur les incidences environnementales du transport aérien, ce qui autorise l'application de la directive 2008101CE du Parlement européen et du Conseil qui intègre les activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, à l'origine d'une crise diplomatique avec les principaux partenaires de l'Union européenne qui contestent cette mesure et menacent l'Union européenne de rétorsions.
Par l'instauration de « permis » à polluer, les Européens veulent obliger toutes les compagnies aériennes, quelle que soit leur nationalité, à acheter l'équivalent de 15 % de leurs émissions de CO2, soit 32 millions de tonnes, pour lutter contre le réchauffement climatique. A 8 euros la tonne, la mesure devrait rapporter 256 millions d'euros en 2012, selon la Commission européenne.
Le fait que la Commission européenne ait agit sans accord de nos partenaires risque d'être dommageable à l'économie européenne.
Pour l'avenir, le comité mixte, propre à chaque accord, devrait jouer un rôle important sur le développement des normes relatives à l'environnement. Nous devons nous féliciter de ce dispositif qui pourrait à l'avenir éviter la crise diplomatique dans laquelle se trouve actuellement plongée l'Union européenne à propos des quotas de CO2.
Le fait que l'Union européenne ne soit pas membre de plein exercice de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) constitue également un obstacle au développement des relations aériennes internationales qu'il conviendrait de régler. En effet, les arguments des Européens sont récusés par 26 des 36 membres de l'OACI, dont les États-Unis, la Chine et la Russie. Ils ont adopté début novembre une résolution non contraignante recommandant d'exempter les compagnies étrangères de la taxe carbone de l'Union européenne. La Chambre des représentants aux États-Unis est allée plus loin avec l'adoption d'un projet de loi interdisant aux compagnies aériennes américaines de s'acquitter de cette taxe.
En conclusion, il nous semble qu'il convient de retenir que cet accord entre l'Union européenne et le Canada ne présente pas de problème particulier et peut être approuvé, étant entendu toutefois qu'il convient d'en relativiser la portée et que la question de son application à Saint-Pierre-et-Miquelon devra être rapidement réglée.