Nous verrons comment ils s'en sortent. Mais nous sommes aujourd'hui sur quelque chose qui s'étiole. Il faudra donc avoir des outils, que ce soit celui-là ou d'autres, qui permettront la coordination. Nous le voyons d'autant mieux à l'HAD. Sans coordination dans l'HAD, nous pouvons arriver à des situations tout à fait dramatiques.
Un deuxième sujet touche aux questions relatives au secret médical. La loi l'étend à la notion d'équipe, nous y sommes également favorables. Nous sommes conscients qu'avec le développement des maladies chroniques et le vieillissement de la population, la prise en charge devient de plus en plus partagée entre plusieurs intervenants. Il faudra aussi voir que le parcours n'est pas linéaire, qu'il y aura des allers-retours. Nous allons associer le médical et le médico-social, voire le social. Tout ça étant combiné, c'est au travers de l'ensemble de ces éléments que doit se construire une prise en charge.
Nous serons cependant très attentifs à ce que les échanges d'informations restent centrés sur ce qui est nécessaire à la prise en charge, et soient effectués au moment où cela est nécessaire ; nous serons également attentifs à la définition du professionnel qui pourra recevoir cette information. Il n'y aurait rien de pire qu'une expansion désordonnée créant une suspicion grandissante qui ferait que le patient perdrait confiance vis-à-vis des professionnels, ou que les professionnels n'auraient eux-mêmes plus confiance vis-à-vis du système.
Sur cette question de l'information, La Cour des comptes a relevé, à la page 27 de son rapport, que « les familles des patients qui pourraient souhaiter pour leurs proches une prise en charge à domicile éprouvent de leur côté une difficulté fréquente à connaître les possibilités d'accès à une hospitalisation à domicile ».
Si vous le voulez bien, puisque nous serons les seuls à parler d'usagers, je voudrais vous lire quelque chose. L'un de nos collègues est malheureusement décédé il y a dix jours, et il a été lui-même confronté à ces problèmes. Il s'agit d'un témoignage de sa femme. Nous avons trouvé que ses propos pourraient éclairer votre commission.
« Philippe avait écrit et clairement dit de ne pas être hospitalisé ; il m'avait fait promettre de ne pas l'hospitaliser. Étant médecin moi-même, je savais que les lâchers de ballons pouvaient entraîner un manque d'oxygénation cérébrale. Le 10 mars j'ai donc cherché à lui mettre en place une HAD avec de l'oxygénation à domicile ; il suffisait d'avoir une prescription de son médecin traitant, mais je me suis retrouvée face à un mur inhumain refus du corps médical !
« Le médecin traitant de Philippe étant absent, la remplaçante du cabinet a purement refusé de faire la prescription prétextant que « ce n'est pas mon client » ! Elle n'a pas plus proposé de venir le voir au domicile.
« J'ai cherché comment pouvoir bénéficier d'une HAD avec de l'oxygène à domicile ; mon pharmacien, un homme extraordinaire, a contacté le médecin traitant qui était en formation. Il m'a appelé. Après lui avoir exposé la situation, je lui ai demandé de prescrire une HAD avec de l'oxygène. « Madame, on ne donne pas de l'oxygène comme cela, c'est vraiment n'importe quoi ; s'il a des métastases cérébrales à quoi cela servirait-il ? Je sais qu'il ne voulait en aucun cas être hospitalisé mais vous ne lui demandez pas son avis, vous appelez une ambulance et ils l'embarquent de force à l'hôpital ». Je lui répète que Philippe avait écrit qu'il ne voulait pas être hospitalisé et m'avait fait promettre de respecter sa volonté, « promis ou pas vous le faites embarquer sinon vous êtes une criminelle ! ».
« Après une nuit éprouvante, le vendredi 11 mars au matin, j'ai contacté l'ancien médecin traitant de Philippe sur la région parisienne […], celui-ci a pris contact avec [XXX] pour une prise en charge en HAD. Le docteur lui répond qu'il faut amener Philippe à l'hôpital à sa consultation aux urgences.
« Le “Plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l'accompagnement en fin de vie” précise que le patient doit être placé au coeur des décisions qui le concernent, le respect de la volonté du patient étant déterminant pour la qualité de la fin de sa vie. Rester maître de sa vie jusqu'au moment où on la quitte, voilà l'enjeu de dignité auquel le Gouvernement est attaché.
« Il n'est pas prévu pour la mise en place d'une HAD une hospitalisation préalable ni un passage aux urgences mais une évaluation de la situation réalisée par l'équipe de coordination de l'HAD, qui se rend toujours au domicile pour confirmer la faisabilité de la prise en charge et fixer les conditions matérielles et les compétences requises par le projet de soins de la personne. Personne n'est venu. »
Ce patient est décédé 48 heures après.