Intervention de Frédéric Freund

Réunion du 27 avril 2016 à 18h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Frédéric Freund, directeur de l'OABA :

Le responsable d'un abattoir de Lozère, dans les jours qui ont suivi la diffusion de ces vidéos, a déclaré qu'il n'avait rien à cacher et s'est dit prêt à accueillir qui le voulait. Saisissant la balle au bond, nous l'avons contacté, mais lorsque nous avons précisé qui nous étions, il a fait volte-face et a refusé de nous recevoir : « Vous pouvez toujours écrire au préfet, je n'en ai rien à faire » nous a-t-il répondu – vous imaginez qu'il a employé des termes moins policés. Nous avons alors demandé au préfet de nous transmettre les derniers rapports d'inspection portant sur la protection animale : au mois de novembre 2015, nous avons reçu par l'intermédiaire de la DDPP deux rapports, l'un datant de juin 2015, l'autre remontant à septembre 2013, alors qu'il s'agit de simples grilles de quatre pages avec des cases à cocher que l'on peut remplir en cinq minutes. On entend dire que les abattoirs sont régulièrement surveillés, c'est surtout vrai d'un point de vue sanitaire – les alertes fonctionnent plutôt bien en ce domaine ; en matière de protection animale, en revanche, la surveillance accuse un énorme retard.

Une question a porté sur les catégories du classement des abattoirs. Il y en avait quatre, il y en a aujourd'hui trois, sachant qu'il ne devrait plus y en avoir que deux. La catégorie 1 correspond aux établissements qui se conforment en tout point à la réglementation ; la catégorie 2 aux établissements où il y a quelques points à améliorer ; la catégorie 3 aux établissements présentant de très nombreux défauts ; quant à la catégorie 4, c'était l'horreur… Mais attention, il s'agit d'un classement fondé sur des critères exclusivement sanitaires qui ne prend aucunement en compte la protection animale.

Dans la continuité des contrôles sanitaires, il serait intéressant de certifier les abattoirs selon leur score en matière de protection animale. L'OABA travaille avec un groupe sur un tel outil d'évaluation qui pourrait être généralisé par l'intermédiaire de la direction générale de l'alimentation. Cela serait de nature à rassurer le consommateur qui ne se soucie plus seulement, comme ce fut longtemps le cas, de la qualité de la viande, mais aussi de la manière dont les animaux sont traités.

J'en viens aux causes des différentes maltraitances. Est-ce un problème de matériel, de formation, de conception ? En fait, il y a des trois. Certains abattoirs sont mal conçus, avec, par exemple, des couloirs d'amenée trop larges, conçus pour faire passer des gros taureaux, mais dans lesquels les petits veaux font sans cesse demi-tour. Cela vire au rodéo, le personnel s'énerve, on prend le bâton à choc électrique, pourtant interdit sur les veaux, mais il n'y a pas moyen de faire autrement, ou on tape dessus… Le matériel est parfois vétuste – avec un risque d'arc électrique, donc de sécurité pour le personnel – ou alors, quand il fonctionne bien, il est mal utilisé par des personnels peu formés. La pince à électronarcose utilisée pour l'abattage des porcs suppose de choisir une intensité précise selon la taille de l'animal à abattre : si vous mettez la position « porcelet » pour une coche ou un porc charcutier, cela chatouillera l'animal sans l'étourdir ; inversement, si vous mettez la position « coche », soit 350 ou 400 volts, pour un porcelet, vous allez le griller ! Ajoutons à cela des notices parfois plus ou moins fantaisistes : ce problème a été relevé par la DGAL et la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Le but est d'éviter que les fabricants écrivent n'importe quoi.

Vous m'avez demandé selon quelle fréquence on constatait des dysfonctionnements dans les dispositifs actuels d'étourdissement. Les rapports scientifiques de l'Autorité européenne de sécurité des aliments et ceux de l'Académie vétérinaire de France considèrent que les dispositifs d'étourdissement mécanique – pistolets à tige perforante – ou électriques – pinces à électronarcose – fonctionnent bien lorsqu'ils sont correctement utilisés et les paramètres correctement appliqués : ils entraînent une perte de conscience immédiate et durable chez l'animal, s'ils sont appliqués suffisamment longtemps, avec une intensité électrique adaptée pour la pince électrique et une cartouche adéquate pour le pistolet – On utilise des cartouches différentes, avec un code couleur, selon qu'il s'agit d'une tête de veau ou d'une tête de gros bovin ou de bison. Certains soutiennent que le pistolet à tige perforante n'est pas performant, ce qui est faux. Cela étant, des problèmes peuvent survenir en cas d'absence d'immobilisation de la tête du bovin : si l'animal est en mesure de bouger sa tête, l'opérateur peut rater son coup et la tige pénétrer dans l'oeil et non dans le cortex cérébral. Quand nous nous sommes rendus à l'abattoir de Cholet, qui applique une immobilisation systématique, nous n'avons constaté aucun loupé durant notre observation d'une demi-heure. Et puis, disons-le, il y a des bons tueurs et d'autres moins doués…

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