Intervention de Roland Canayer

Réunion du 28 avril 2016 à 10h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Roland Canayer, président de la Communauté de communes du Pays Viganais :

L'abattoir du Vigan a été construit en 1988 et repris en gestion par la Communauté de communes du Pays viganais en septembre 2001, suite à la cessation d'activité de la SARL La Viganaise.

Cette structure est soutenue par la collectivité car c'est un véritable outil d'aménagement du territoire et de développement. Il permet le maintien et l'installation d'éleveurs qui participent au dynamisme de l'emploi agricole et à l'entretien des paysages par le biais de l'élevage extensif. L'abattoir du Vigan est un acteur de ce territoire de tourisme vert dont j'ai défendu l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des paysages culturels de l'agropastoralisme méditerranéen, pour éviter que nos milieux ne se referment sur eux-mêmes.

À travers l'abattoir, la Communauté de communes du Pays viganais soutient les circuits courts de commercialisation de viandes de qualité, puisque tous ses clients éleveurs pratiquent la vente directe dans des boutiques et boucheries de producteurs, sur les marchés, à la ferme et par le biais de la livraison à domicile. Il est à noter qu'à l'abattoir proprement dit est adossé un atelier de découpe qui contribue au développement de cette vente directe de qualité.

L'abattoir du Pays viganais est un abattoir multi-espèces – ovins, bovins, porcins et caprins – et l'un des plus petits de France en termes de tonnage : il ne traite que 230 tonnes par an.

Depuis 2009, la Communauté de communes du Pays viganais a investi 1 million d'euros dans cet équipement avec le soutien de l'État, de la région et du département. L'abattoir est certifié bio et agréé européen depuis août 2010, tout comme son atelier de découpe.

Abattoir de proximité, il fonctionne avec trois personnes sur les chaînes d'abattage et un directeur à mi-temps. Il est reconnu pour la qualité du travail fini et le service rendu au client. Chaque année, les services de la Direction départementale de protection des populations (DDPP) réalisent au moins une inspection pour le renouvellement de l'agrément européen de l'abattoir.

Le 22 février, j'ai été informé qu'une vidéo réalisée par l'association L214 allait être diffusée, qui montrait notamment des actes de maltraitance animale.

Le 23 février, j'ai décidé la fermeture à titre conservatoire de l'établissement, suspendu l'ensemble des personnels et diligenté une enquête interne administrative afin de faire toute la lumière sur la teneur de certains agissements.

À l'issue de l'enquête, des fautes très graves de maltraitance animale par un agent ont été reconnues et ce dernier s'est vu signifier son licenciement. Un deuxième agent, qui opérait à ce moment-là à ses côtés et dont le comportement n'a pas été jugé acceptable, a vu la non-reconduction de son contrat de travail. Le reste des fautes directes ou indirectes par les deux autres agents a fait l'objet de sanctions administratives.

À l'approche des fêtes de Pâques et à la lumière des conclusions de l'enquête administrative, l'abattoir a été rouvert partiellement – caprins et ovins – le lundi 21 mars. Depuis, il retourne petit à petit à la normale, avec une activité affectée par la réduction de l'équipe.

Il est toutefois précisé que cette vidéo a été réalisée à partir d'un grand nombre d'heures de tournage. Au-delà des actes de maltraitance volontaires inacceptables, il faut signaler qu'elle est accompagnée de commentaires erronés. Rapportées aux neuf mois durant lesquels des enregistrements ont été réalisés à l'insu des agents d'abattage, les fautes relevées sont rares. Et le montage tel qu'il a été diffusé ne permet pas toujours d'appréhender l'origine contextuelle des images.

Le travail d'abattage réalisé tout au long de l'année est conforme aux réglementations en vigueur, notamment en termes de protection animale. Les conditions d'accueil des animaux avant l'abattage sont reconnues comme aisées sachant que l'abattoir a pu, il y a vingt ans, traiter jusqu'à 800 tonnes alors qu'il s'est recentré sur la vente directe pour 230 tonnes. La grande taille des parcs ovin et porcin ainsi que les logettes individuelles pour les bovins confortent cet état de fait.

Le personnel a suivi un important programme régulier de formation durant ces huit dernières années et tous les agents disposent de leurs certificats de compétences pour ce qui touche à la protection animale. Enfin, les étapes de mises à mort des animaux ont toujours fait l'objet de contrôles internes et externes, qui ont toujours attesté les bonnes pratiques d'abattage de l'abattoir du Vigan.

Il est important de noter à ce stade qu'aucun agissement tels que ceux mis en cause dans la vidéo n'a été constaté durant les contrôles ou formations réalisés.

Toutefois, la Communauté de communes a décidé de prendre un certain nombre de mesures fortes pour garantir davantage à l'avenir ces bonnes pratiques d'abattage, notamment d'équiper l'abattoir d'un matériel d'étourdissement doté d'enregistreurs avec conservation des enregistrements des tues de chaque animal individuel et de la bonne pratique des agents. Ce matériel est déjà opérationnel pour les ovins et les porcins. Je signale qu'il s'agit d'une démarche volontaire, la législation n'invitant à la mise aux normes qu'en 2019 pour les abattoirs disposant de matériels achetés avant 2013.Un système de vidéosurveillance pour contrôler notamment les bonnes pratiques d'abattage sera prochainement mis en place.

L'abattoir sera aussi accompagné par un bureau d'études spécialisé en éthologie pour aborder le bien-être animal et accompagner le personnel dans ce travail souvent difficile à plusieurs points de vue.

Nous nous positionnons comme un abattoir pilote qui sera doté de toutes les améliorations possibles pour ce qui touche aux pratiques d'abattage.

Hormis les agissements inexcusables d'un agent, l'abattoir du Vigan travaille dans un souci de grand professionnalisme. À l'issue de cette épreuve médiatique difficile, notre établissement a repris son activité, le 21 mars, d'abord partiellement. Cette période a été l'occasion d'appréhender les conditions de travail quotidiennes de nos agents.

La Communauté de communes du Pays viganais a fait le choix d'investir dans la vidéosurveillance afin que nos personnels, qui travaillent dans le respect de la réglementation, soient à l'abri de tout a priori négatif touchant l'ensemble de la filière.

La plupart des formations proposées en matière de protection animale sont souvent théoriques ; les contrôleurs eux-mêmes avouent ne pas maîtriser de nombreux paramètres. En fait, on y fait beaucoup de théorie, mais peu de pratique.

De la même manière que l'ensemble de la filière s'est plutôt focalisé sur les questions d'hygiène durant ces quinze dernières années, il faudrait aujourd'hui tout mettre en oeuvre pour atteindre collectivement le même niveau de compétence en matière de protection animale.

Nous nous interrogeons quant aux missions de la DDPP. Ses agents contrôlent la bonne santé des bêtes en amont, puis la qualité de la viande pour la consommation du grand public, mais quasiment rien pour ce qui concerne l'abattage proprement dit. À l'exception des contrôles programmés, aucun soutien et aucun contrôle ne sont apportés dans le quotidien.

Enfin, l'abattoir du Pays viganais a fait le choix de s'entourer des compétences d'un éthologue pour améliorer encore davantage les notions de bien-être animal. Peut-être cette initiative devrait-elle être généralisée à toute la filière. Nous sommes prêts à vous accueillir et à travailler avec vous sur ce dossier. Nous avons l'ambition d'être reconnus comme un abattoir exemplaire.

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