Intervention de Laurent Kauffmann

Réunion du 28 avril 2016 à 10h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Laurent Kauffmann, directeur de l'abattoir du Vigan :

Le problème est que ce sont eux qui nous délivrent l'agrément et qui nous préviennent en cas de non-conformités, majeures ou mineures… Si les personnes censées nous dire cela ne maîtrisent pas elles-mêmes certaines choses, cela ne nous aide guère !

Le jour de la réouverture de l'abattoir, le président et le directeur général des services étaient présents, ainsi que le directeur adjoint et l'inspecteur de la DDPP, la personne qui est là tous les jours dont a parlé tout à l'heure M. Canayer et qui est déléguée par les services de la DDPP, et la vétérinaire officielle. Nous avons fait un travail d'analyse, animal par animal, du bon étourdissement, du bon laps de temps entre l'étourdissement et la saignée, etc. Je peux vous dire que cela prêtait à rire. Nous connaissons notre métier, nous savons dire quand un animal est étourdi, inconscient. Or nous avions en face de nous des gens qui allaient jusqu'à paniquer, craignant la moindre réaction susceptible de laisser présupposer un retour de conscience. Entrons dans le détail : lors d'une inspection, on a laissé sous-entendre qu'il avait eu un retour de conscience d'un animal au motif qu'on avait détecté un réflexe cornéen après étourdissement – on met le doigt à proximité de l'oeil de l'animal pour voir s'il y a une réaction oculaire. Et ce fut le cas… à ceci près que tous les guides de bonnes pratiques d'abattage vous apprendront qu'un étourdissement avec des pinces à électronarcose peut entraîner des phénomènes épileptiformes, autrement dit des réactions oculaires qui n'ont rien à voir avec des retours de conscience.

Les critères retenus dans nos grilles doivent être simples d'interprétation pour nos salariés. Actuellement, il y en a trois : l'effondrement immédiat, l'arrêt de la respiration et l'absence de vocalises. Ces critères sont facilement analysables par l'agent et parlants. Dans le cas que je viens de citer, après avoir discuté et nous être penchés très sérieusement sur les textes, nous sommes finalement convenus que le réflexe cornéen n'était pas un critère. Il faut se mettre une bonne fois pour toutes à la place des agents sur la chaîne : il faut que ce soit simple pour eux et qu'ils maîtrisent la notion de perte et de reprise de conscience. En l'occurrence, j'ai confiance dans le professionnalisme de mes agents parce qu'ils ont une grande expérience dans le domaine. Mais les contrôleurs sèment le doute et laissent sous-entendre que ce n'est pas si évident. Ils ne le font pas de mauvaise foi, mais plutôt par méconnaissance et manque de formation.

Il faut savoir qu'une semaine avant la diffusion de la vidéo, l'organisme de formation de la fédération des abattoirs était venu dans notre établissement. Le sujet de la mise à mort des animaux a été abordé en trente secondes parce que l'on m'a dit que nos agents maîtrisaient parfaitement le sujet, qu'il n'y avait aucun retour de conscience. Nous avons du mal à accepter que la vidéo, en plus de rapporter des actes affectivement inacceptables, laisse sous-entendre que nous faisons n'importe quoi.

Nous avons pris la décision de ne pas pratiquer d'abattage halal, décision que j'assume, alors qu'une communauté musulmane, qui habite sur le Vigan et la ville voisine de Ganges, nous demande à de rares occasions – des fêtes familiales par exemple – de sacrifier un animal. Nous le refusons systématiquement.

Vous m'avez demandé ce que m'avait apporté le certificat RPA. Pour ma part, cela m'a permis d'être très sensibilisé à la notion de protection et de bien-être animal. Peut-être faut-il que les agents qui travaillent sur la chaîne aillent plus loin dans la notion de sensibilisation. Je ne veux pas dire par là qu'ils sont insensibles au bien-être animal, mais chacun se rend bien compte que ce sont des métiers difficiles. On ne se vante pas d'être tueur dans un abattoir…

Il y a des stades post mortem – la dépouille, l'éviscération – où l'on peut sérier le temps plus ou moins facilement. Mais quand l'animal est encore vivant, il faut tenir compte de certains paramètres : tel animal est plus stressé qu'un autre, il a une corne placée de telle façon que l'application de la pince pourra peut-être poser problème. Autant de critères dont il faut tenir compte dans les notions de rythmes de travail.

Mme Abeille nous a interrogés sur le CO2. Je suis totalement incompétent en la matière puisque ce gaz n'est pas utilisé dans notre abattoir. Nous étourdissons les animaux uniquement par électronarcose.

Vous nous demandez ce qu'est un abattoir bio. Cela ne veut absolument rien dire. Le bio, c'est tout ce qui se passe en amont. Le seul critère qui figure dans notre cahier des charges c'est d'abattre l'animal bio avant les autres. Mais s'il est trop sale en arrivant, il passera en fin de chaîne pour des raisons d'hygiène : ce qui prime beaucoup chez nous c'est que les carcasses ne posent pas de problèmes à la consommation. Ce n'est pas parce qu'un animal est bio qu'il n'aura pas pu avoir été souillé pendant le transport ou dans les stabulations. J'ai lu dans la presse que l'on parlait beaucoup plus de label de protection animale. Il faut voir ce qu'il y a derrière cela. La notion de bio est pour moi inappropriée dans les abattoirs.

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