Aujourd'hui, nous avons tout notre temps pour travailler tranquillement, de la meilleure des manières, et le ministre de l'aménagement du territoire que je suis est très heureux d'être parmi vous. Je salue également la présence de Mme Sylvia Pinel, à qui j'ai succédé.
Lorsque le Président de la République m'a proposé de rejoindre l'équipe gouvernementale, j'ai poussé les feux pour que soient associés dans un même ministère les collectivités locales et l'aménagement du territoire : le second ne se fera pas sans les premières. Tous les élus, nationaux et locaux, doivent oeuvrer ensemble. Certains nourrissent la nostalgie de la puissance et de l'autorité naturelle d'une DATAR qui ne s'embarrassait pas de beaucoup de précautions lorsqu'elle prenait des décisions ; mais les choses ont changé, et notre démocratie s'est apaisée. Non seulement il fallait associer les collectivités et l'aménagement, mais il fallait aussi associer, dans ce même ministère, le rural, le périurbain et l'urbain – la politique de la ville, qui est en réalité une politique des quartiers en difficulté, dépendant du ministère de la ville, de la jeunesse et des sports. Il ne faut pas opposer les uns aux autres : chaque espace rencontre des difficultés, mais les politiques doivent être pensées comme complémentaires. Je tiens à un aménagement partenarial, adapté aux spécificités de chaque territoire.
Certains problèmes sont communs à presque tous les territoires ruraux ; et la réforme territoriale a suscité de grandes inquiétudes chez les élus locaux.
Le premier de ces problèmes, c'est celui des services publics. La ruralité et le périurbain se sentent les grands oubliés des politiques successives : j'entends dire depuis trente ans que les services publics ont déserté nos campagnes. Aucune réponse adéquate n'avait encore été apportée. C'est pourquoi l'une des mesures les plus significatives prises par le comité interministériel aux ruralités (CIR) du 13 mars 2015 est la création, par l'État et les collectivités territoriales, de « maisons de services au public ». Cette politique qui ramène les services publics au plus près de nos concitoyens est appréciée, et porte ses premiers fruits. Mille de ces maisons doivent être créées d'ici à la fin de l'année, dont 500 en partenariat avec La Poste – les plus avantageuses, car elles pérennisent aussi le service postal. De plus, La Poste prend en charge investissements et fonctionnement. On trouve dans ces lieux une grande diversité de services publics : Pôle Emploi, presque systématiquement, la MSA (Mutualité sociale agricole), le Crédit Agricole parfois, GRDF presque toujours, des antennes des sous-préfectures… Dans le Tarn-et-Garonne, nous disposons également d'une antenne du tribunal de Bordeaux. C'est la première fois que l'on trouve le moyen de ramener les services publics en zone rurale comme en zone périurbaine. C'est donc un succès.
Le deuxième problème majeur, c'est l'accès à la santé. Le CIR a également pris des mesures pour favoriser la création de maisons de santé, qui permettent de proposer un véritable service médical de proximité, car elles n'accueillent pas uniquement des médecins, mais aussi des kinésithérapeutes, des infirmières, des dentistes… Je souligne également que 1 700 contrats d'engagement de service public (CESP) doivent être signés avec des étudiants en médecine d'ici à 2017 ; 1 324 l'ont déjà été.
La troisième des grandes préoccupations de nos concitoyens, c'est naturellement l'accès à la téléphonie mobile et au numérique. Les zones blanches sont encore trop nombreuses. Le prochain CIR, qui se tiendra le 20 mai prochain, sans doute en Ardèche, fera le bilan des 67 mesures déjà annoncées mais sera aussi l'occasion d'annonces nouvelles, tant pour le périurbain que pour la ruralité.
S'agissant de la téléphonie, nous rencontrons d'abord le problème de la définition des zones blanches. Aujourd'hui, dans le Tarn-et-Garonne par exemple, il n'y en a officiellement plus ; mais la réalité est tout autre. La « zone grise » s'étend en effet sur 300 mètres autour de la mairie… Mais il est normal que nos concitoyens ne comprennent pas que, dès que l'on a quitté ce périmètre, le téléphone ne marche plus ! J'ai donc demandé à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de revoir ses critères. Les CIR ont fixé à la fin de 2016 la date à laquelle on devra recevoir la 2G sur l'ensemble du territoire ; pour la 3G, ce sera mi-2017 – pour la 4G, il faudra attendre plus longtemps, et même bien plus longtemps. (Murmures)
Nous allons mettre en place un guichet unique qui nous permettra de mieux connaître les communes non couvertes. Dans 268 localités, l'État prend en charge la construction d'infrastructures, pour 30 millions d'euros, afin de tenir les engagements pris lors du dernier CIR. L'État financera à 50 %, et même à 75 % dans les zones de montagne, les infrastructures destinées à couvrir 800 zones définies comme stratégiques ; l'appel à projets vient d'être lancé, pour un montant de 42 millions d'euros.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, et moi-même avons rencontré tous les opérateurs et nous leur avons clairement dit que la situation actuelle n'était plus tolérable. Tout le monde doit avoir accès à la téléphonie mobile, et le problème ne concerne pas seulement les zones rurales, puisqu'il y a parfois des coupures de téléphone portable tous les 500 mètres dans l'hypercentre parisien !
Quant à la couverture numérique, avec le plan France Très Haut Débit, l'État, les collectivités et les opérateurs s'engagent à investir 20 milliards d'euros d'ici à 2022. Nous renforçons les moyens de l'Agence du numérique, afin d'accélérer les dossiers. Notre objectif est qu'un accord de principe sur le financement soit signé dans tous les départements avant la fin de l'année 2016. La commercialisation des réseaux d'initiative publique commence, et nous souhaitons ardemment que les schémas départementaux d'aménagement numérique (SDAN) soient réalisés dans les meilleures conditions, et dans les meilleurs délais.
Voilà les trois sujets principaux – vous les avez évoqués, monsieur le président, et ce sont aussi ceux dont j'entends parler lors de chacun de mes déplacements.
Je voudrais également insister sur l'importance de notre politique en faveur de la revitalisation des centres-bourgs. Un fonds d'un milliard d'euros a été mis en place lors du dernier CIR ; il comprend 500 millions d'euros destinés à l'investissement, mais aussi 300 millions d'euros spécifiquement destinés à la revitalisation des centres-bourgs et 200 millions d'euros d'abondement de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Les décisions seront déconcentrées, donc prises au plus près du terrain. Si la procédure d'appel à projets est bonne, elle est aussi longue et demande une ingénierie territoriale importante : ce sont donc les préfets qui sont en train d'arrêter les propositions et de me les transmettre. Ce fonds a beaucoup de succès, il fonctionne très bien.
J'insiste ici – parce que je sais que certains préfets en avaient décidé autrement – sur le fait que les différentes composantes de ce fonds sont cumulables : on peut utiliser DETR, investissement et revitalisation des centres-bourgs. J'ai rappelé cette règle aux préfets par une note écrite.
Il faut aussi nous pencher sur les problèmes des espaces périurbains. Mme Sylvia Pinel, notamment, s'est remarquablement bien occupée de la ruralité ; l'urbain est l'objet de toutes les sollicitudes. Mais le périurbain est si divers qu'il est difficile de le traiter.
Certaines communes périurbaines ont connu un développement harmonieux, avec des maires visionnaires, qui ont su maîtriser l'aménagement de leur espace, apporter des services publics, faire venir des commerces… Dans d'autres, les aménagements ne sont que le résultat de la juxtaposition d'initiatives de promoteurs privés, ce qui crée de graves problèmes.
De plus – je le dis devant M. Gilles Savary, à qui ce sujet est cher – le périurbain d'aujourd'hui n'est plus le périurbain d'hier. Il y a aujourd'hui des communes périurbaines qui sont à cinquante ou soixante kilomètres de la ville-centre.
Je suis en train de préparer une loi relative à la montagne, qui sera débattue au Parlement lors de la session d'automne. Je souhaite qu'elle soit adoptée le plus rapidement possible, idéalement en utilisant la procédure accélérée. Il faudrait pour cela que tout le monde en soit d'accord, et je souhaite un vaste consensus sur les mesures que nous proposerons. J'ai commencé à travailler avec les élus de la montagne et rencontré le président de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM). Nous espérons que la loi sera adoptée avant la fin de l'année.
J'ai également ouvert les discussions en vue de la révision des contrats de plan État-région (CPER), puisqu'il faut les adapter aux nouvelles régions. J'espère avoir bouclé ce dossier avant la fin de la session extraordinaire du mois de juillet. La plateforme que nous avons signée avec les régions est un accord gagnant-gagnant ; l'Association des régions de France (ARF) partage, je crois, cette conviction. Nous travaillons à mettre en oeuvre ce pacte et à le financer.
À la suite de la création des métropoles, nous préparons aussi de futurs contrats entre l'État et les métropoles, sur le modèle des CPER. Ils devraient permettre la consolidation de cette récente réforme institutionnelle.
L'aménagement du territoire a besoin de pragmatisme et d'actions concrètes plus que de grands principes énoncés dans une énième loi-cadre. Les 67 mesures issues des deux CIR de 2015 sont, j'ai pu le constater, insuffisamment connues sur le terrain : j'ai donc demandé aux préfets de nommer, dans chaque département, un sous-préfet référent « ruralité », chargé de constituer une commission souple, réunissant le président du conseil général, les parlementaires et différents élus afin de mieux faire circuler l'information.
Je souhaite aussi que les parlementaires soient – comme Mme Sylvia Pinel l'avait prévu – associés à la définition des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), et je l'ai rappelé aux préfets.
Je crois au pragmatisme et au partenariat – l'État ne peut pas agir seul, et son rôle doit d'abord être d'encourager les initiatives locales et de fédérer les énergies. Enfin, il faut insister sur l'interdépendance de tous les territoires : je ne crois pas à l'opposition des uns aux autres, mais plutôt à la coopération, à la complémentarité, voire à l'osmose. Chacun doit trouver sa place.