Merci de votre présence, monsieur le ministre. La ruralité, dont votre ministère s'occupe, ce sont des espaces, des natures et des paysages ; c'est aussi une agriculture en crise ancienne, grave et profonde. La ruralité est dès lors elle-même en crise – je ne veux pas parler de déclin, car il y a dans nos communes rurales une hausse démographique. Le fait urbain, la métropolisation, la création des villes-monde étaient présentées il n'y a pas si longtemps comme l'alpha et l'oméga de l'aménagement planétaire : la concentration urbaine était belle alors. Nous payons aujourd'hui le prix fort de ces orientations. Nous devons donc réaffirmer ici que le fait rural, c'est l'identité de la France, comme le dit si bien Fernand Braudel.
La ruralité souffre, mais comment pourrait-il en être autrement, quand le chômage y est massif, quand les services publics et les commerces continuent de partir alors que la population des rurbains augmente, quand les transports collectifs sont presque absents et qu'il faut deux voitures pour aller au travail, quand on prend le train pour aller au travail de plus en plus loin – à Château-Thierry, 5 000 personnes se rendent tous les jours à Paris – mais que les infrastructures ferroviaires et routières sont fragilisées, ce qui menace nos PME, quand l'accès à la culture est limité, quand l'accès à l'enseignement supérieur est plus difficile, quand l'eau même est bien plus chère puisque son prix peut atteindre les 9 euros le mètre cube ? La colère du monde rural ne se manifeste pas encore dans la rue, même si des mouvements « Ruralité debout » apparaissent ici ou là. Mais le mécontentement s'exprime dans les urnes : 19 637 communes parmi les plus petites ont mis l'extrême droite en tête de leurs suffrages lors du premier tour des élections régionales.
Certes, l'année 2015 a été riche en annonces et en réalisations, vous l'avez dit. Tout cela est bien. Mais il faut aller plus loin, car ces actions sont encore insuffisantes pour arrêter le déclin et la perte de confiance. Il faut donc manifester une volonté forte d'innovation. Le très haut débit constitue un enjeu majeur pour assurer l'attractivité de nos territoires ruraux. À chaque fois, nous avons entendu les mêmes promesses, et retrouvé les mêmes failles. Les territoires ruraux, auxquels j'entends que vous êtes attentifs, ont été laissés sur le bord de la route. La loi pour une République numérique devait pourtant être un atout pour la ruralité en favorisant le télétravail ou l'accueil de nouvelles entreprises. L'accès à la fibre optique est prioritaire et urgent. L'Aisne, département défavorisé, a figuré parmi les dix départements éligibles au fonds de soutien de l'État. La première tranche d'aménagement numérique s'élève à 150 millions d'euros : 38,4 millions sont versés par l'État, mais après la participation des conseils départemental et régional, il reste 46,7 millions pour les autres collectivités. C'est très injuste : les opérateurs ne demandent rien aux collectivités urbaines, mais les ruraux doivent payer.
Vous avez raison de refuser l'opposition entre territoires urbains et ruraux, mais où est l'égalité territoriale ? Nous avons demandé des réponses au Gouvernement, mais nous les attendons toujours. Ce n'est pas acceptable. Une deuxième tranche est prévue, et les collectivités locales ne pourront pas continuer de payer. Nous demandons votre appui face à cette discrimination forte.
Vous avez évoqué la politique de la ville : je souhaiterais qu'un dispositif similaire aux contrats de ville soit instauré pour la ruralité.
Quel avenir, monsieur le ministre, pour les PETR ?
Si nous voulons éviter la catastrophe politique en 2017, il faut agir vite pour notre ruralité. Monsieur le ministre, comme l'écrivait Jean de La Fontaine, « on tient toujours du lieu dont on vient » : la France vient de la ruralité ; ne l'oublions pas.