Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste votera évidemment la ratification de l’accord de Paris consécutif à la COP21. Toutefois, dans ce concert de louanges, je me permettrai d’apporter quelques notes divergentes.
Comme vient de le dire Jacques Krabal, l’accord n’est pas contraignant. Il s’agit d’engagements volontaires de la part des États pour lutter contre le réchauffement climatique. Or, dans ce domaine, nous savons qu’il est difficile de croire à la sincérité de certains États. Et, faute d’accord contraignant, nous ne pourrons sans doute pas limiter l’augmentation des températures à 1,5 degré ; nous atteindrons vraisemblablement la barre des 2 degrés, seuil au-delà duquel on ne sait pas très bien ce qui pourra se passer, tous les experts s’accordent à le dire.
En revanche, on connaît déjà les conséquences du réchauffement climatique dans un certain nombre de pays. Ceux-ci sont victimes d’une double peine, en quelque sorte : ils subissent l’extraction de leurs ressources et de leurs matières premières, une exploitation qui constitue une nouvelle forme de colonisation ; ils souffrent aussi du réchauffement climatique, qui entraînera bientôt le départ de réfugiés climatiques. Et ceux-ci seront bien plus nombreux que ceux que nous ne voulons pas accueillir en Europe aujourd’hui et certains d’entre eux n’auront plus de pays.
Le deuxième défaut de l’accord de Paris est qu’il est silencieux sur les énergies fossiles. Certaines parties, évidemment, refusaient que l’on évoque cette question : je pense à nos nouveaux amis, ceux que le Gouvernement fréquente assidûment pour leur vendre des armes, à l’Arabie Saoudite en particulier.
Et puisque nous parlons d’énergies fossiles, il faut savoir que, le 7 avril dernier, la société Total a accueilli dans son site historique de Pau les grandes entreprises oeuvrant dans l’extraction du gaz et du pétrole. Celles-ci ne se contentent désormais plus de rechercher dans les lieux traditionnels mais prospectent dans ce que l’on appelle « le offshore en grande profondeur », au-delà de 6 000 mètres. La convention de Montego Bay de 1982 ayant permis d’élargir les zones économiques exclusives de 24 à 200 milles marins – soit environ 370 kilomètres –, après avoir assisté à l’accaparement des terres, nous assisterons bientôt malheureusement à celui des mers. La nouvelle forme de colonisation dans cet espace n’a malheureusement pas été étudiée du tout par la COP21, puisque les océans en ont été les grands absents.
Autre grand absent, le prix du carbone. Il y a quelques jours, le Président de la République expliquait qu’il fallait fixer un prix plancher en France. Mais nous savons très bien que la France ne peut pas pays ne peut agir seule dans ce domaine. Et, tant qu’il n’existera pas de prix du carbone, il sera très difficile, surtout dans un contexte de baisse du prix du baril de pétrole, de lutter contre la perpétuation de cette « oléo-dépendance » et de la dépendance aux énergies fossiles en général.
On voit par exemple ce qui se passe avec les gaz de schiste et les sables bitumineux. Alors que le territoire de Fort McMurray, au Canada, n’était qu’un petit poste dans la forêt boréale, la taïga, il est devenu la capitale des sables bitumineux. L’étendue et la violence des incendies qui l’affectent ne résultent pas d’un phénomène naturel mais sont imputables à l’exploitation de ces sables.
Je veux vous dire aussi, madame la ministre, que la limitation de la programmation pluriannuelle de l’énergie aux seules énergies renouvelables transforme la loi relative à la transition énergétique en véritable chiffon de papier. En effet, vous reportez à 2019 l’engagement du Président de la République de faire passer de 75 à 50 % la part du nucléaire dans notre alimentation électrique. Or nous savons que, pour parvenir à ce résultat, ce n’est pas seulement la centrale nucléaire de Fessenheim qu’il faut fermer, mais entre dix et dix-sept réacteurs sur les cinquante-huit que compte notre pays. Pour éviter les tracas, vous avez repoussé la question à 2019, passant, si je puis dire, la patate chaude à ceux qui vous succéderont. En tout état de cause, on ne peut se fier à cette loi relative à la transition énergétique.
Enfin, le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur ne cesse de répéter qu’arrêter les discussions relatives au TAFTA, le Transatlantic Free Trade Agreement, c’est bien, et que le CETA, le Comprehensive Economic and Trade Agreement – c’est-à-dire l’accord avec le Canada –, c’est encore mieux. Eh bien non ! Cet accord est dangereux ! Il est même pire que le TAFTA puisque son préambule ne fait aucune référence à la lutte contre le réchauffement climatique ni à l’accord de Paris issu de la COP21. Nous devons être vigilants et éviter de nous laisser « enfumer »– pardonnez-moi cette expression triviale – par un discours qui se veut rassurant sur un accord en réalité dangereux.
Bien sûr, nous voterons la ratification de l’accord de Paris, bien sûr, nous voterons pour la COP21, mais nous le ferons sans illusions. La France se présente comme le pays de l’excellence écologique mais nous savons bien qu’elle ne l’est pas. Il y a loin de la coupe aux lèvres : il suffit, pour s’en convaincre, de voir notre place, par rapport à d’autres pays, dans le développement des énergies renouvelables. Nous voterons pour, donc, tout en sachant très exactement ce qu’il en est et tout en étant très inquiets pour l’avenir.