Pour que ce dernier entre en vigueur en 2020, il faut, je le rappelle, qu’au moins 55 % des États représentant 50 % des émissions de gaz à effet de serre le ratifient. D’ores et déjà, 175 parties l’ont signé lors du récent sommet de New York. Les États-Unis et la Chine, qui représentent à eux seuls entre 35 % et 40 % des émissions mondiales, ont annoncé leur intention de le ratifier.
L’issue positive ne fait donc pas de doute. Néanmoins, s’il faut constater une avancée internationale dans la prise de conscience de l’urgence d’agir, il faut aussi rester lucide sur le chemin qui reste à parcourir.
Au chapitre des avancées, des mouvements se sont amorcés vers une transition énergétique. Le recours aux énergies renouvelables a connu une croissance record dans le monde en 2015 : les capacités installées ont augmenté de 8,30 %, soit la plus forte hausse jamais enregistrée, alors que le faible coût du pétrole et du gaz était de nature à ralentir cette évolution. Relevons également la chute de la part du charbon, passée de 41 à 30 % dans le mix énergétique mondial, ce qui reste malgré tout considérable.
Sur le socle de l’accord de Paris, restent à présent les travaux pratiques et la mise en oeuvre concrète des objectifs. Nous connaissons les engagements pris par 189 États. Si l’accord de Paris fixe pour objectif de contenir le réchauffement climatique à 2 degrés, voire, mieux encore, à 1,5 degré d’ici à 2100, les engagements pris par les États mettent actuellement le curseur à 3 degrés. C’est dire s’il reste beaucoup à faire.
Concrètement, si nous voulons tenir l’objectif de 2 degrés, il faudrait que les émissions mondiales baissent de 40 à 70 % d’ici à 2050 par rapport au niveau de 2010 pour atteindre une économie pratiquement neutre en carbone durant la deuxième partie du XXIe siècle. Or les émissions mondiales continuent d’augmenter de 2 % par an depuis 2010.
Certes, une prise de conscience s’est opérée, mais sa traduction concrète n’est pas au niveau. Les raisons en sont identifiables : nous vivons dans une économie mondialisée, dont le ressort est une concurrence féroce entre les États ; la recherche permanente de la réduction des coûts encourage le dumping social et environnemental.
Car, bien sûr, ce n’est pas le coût du capital qui est visé ; celui-là est à la hausse, il est même le moteur des choix économiques. Les variables d’ajustement, ce sont la rémunération du travail et le recours aux énergies les moins coûteuses et les plus accessibles immédiatement, quand bien même elles sont les plus polluantes.
C’est ainsi que le charbon continue d’occuper une place prépondérante, de même que les énergies carbonées, catastrophiques pour la planète. Les pays en développement en revendiquent d’autant plus l’utilisation qu’elle a assuré l’essor des pays développés, lesquels leur en contestent aujourd’hui l’usage.
L’accord de Paris n’étant pas contraignant mais reposant sur l’engagement de chacun, il revêt un caractère aléatoire, même si la clause de révision tous les cinq ans permet de faire le point et de s’ajuster.
De ce point de vue, la question du Fonds vert pour le climat est essentielle. Celui-ci doit permettre d’aider les pays en développement dans leur adaptation au changement climatique. L’objectif est d’atteindre 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Si nous n’y parvenons pas, nous serons confrontés demain, comme l’a dit le précédent orateur, non plus à des migrants fuyant la barbarie et la guerre sur leur territoire, mais à des migrants climatiques fuyant les conséquences du réchauffement, c’est-à-dire la montée des eaux, la sécheresse, les cyclones.
En 2013, le nombre de ces réfugiés climatiques s’est élevé à 22 millions, soit l’équivalent de la population de la Côte d’Ivoire. Si nous ne faisons rien, ils seront 200 millions en 2050, selon les estimations de nombreux organismes, notamment les Nations unies. Il s’agit donc d’accompagner ces pays dans leur développement, à partir d’énergies non carbonées.
Du niveau mondial, descendons maintenant au niveau européen, d’abord pour noter que le processus de ratification de l’accord de Paris risque d’être long. Il s’agit en effet d’obtenir que vingt-huit parlements se prononcent alors qu’ils affichent des engagements très inégaux en matière de transition énergétique. Nombre de pays européens, engagés dans des logiques de développement productiviste à énergies hyper-carbonées, ont le sentiment que ce qui leur est demandé nuit à leurs perspectives de développement.
Force est de constater qu’il n’existe pas, à ce jour, de plan de répartition des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre les pays de l’Union européenne. D’où ce savoureux paradoxe : alors que l’Union européenne, via la Commission de Bruxelles, sait sanctionner les États lorsqu’ils ne respectent pas les règles de l’austérité, de la concurrence libre et non faussée, elle se montre beaucoup moins exigeante lorsqu’il s’agit du respect de l’environnement et des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Il serait pourtant ô combien nécessaire et urgent de régler les échanges à l’intérieur de l’Union selon le respect des bonnes pratiques environnementales, notamment en imposant un prix carbone aux produits issus du dumping environnemental.
Il existe, par ailleurs, de grands oubliés de l’accord de Paris, comme le secteur des transports, qui représente 34 % des émissions de CO2. Plus particulièrement, la part du transport aérien est estimée à 3,3 %, mais elle est en réalité supérieure, et celle du transport maritime atteint 2,2 %.
Dans ce secteur, relevons un autre paradoxe, qui concerne la France. Nous voyons se déployer à grande échelle, sur le territoire national, les « bus Macron », mis en place après le vote par le Parlement de la loi relative à la transition énergétique. Le ministre de l’économie a dénommé son mouvement politique « En marche ! ». « En route ! » ou « En bus ! » auraient été mieux adaptés… Toujours est-il que ce sont là de nouvelles sources d’émissions de CO2, au détriment du transport ferroviaire.
Le transport aérien bénéficie pour sa part d’une rente de situation puisque le kérosène est complètement détaxé. Cela représente un manque à gagner pour l’État de 1,6 milliard d’euros. Surtout, cette absence de taxes augmente les émissions de CO2 de 20 à 27 % pour les vols intérieurs – d’ailleurs, les offres de vol à 40 euros se multiplient.
S’agissant enfin des engagements de la France, il importe de mettre en place des plans d’action coordonnés pour la réduction des émissions de CO2, associant l’État, les collectivités territoriales et les entreprises. De même, un volet relatif à l’engagement des citoyens est absolument nécessaire.
Sous réserve de ces remarques, nous voterons la ratification de l’accord de Paris.