Intervention de Philippe Baumel

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 15h00
Ratification de l'accord de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Baumel :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 12 décembre dernier fut, à n’en pas douter, une date essentielle, tous les orateurs l’ont souligné à cette tribune. L’accord adopté à l’issue de la conférence de Paris représente un moment historique, il faut employer cet adjectif sans hésiter. Rares sont les accords internationaux rassemblant autant de pays, autant de chefs d’État, autant de signatures. Vraiment, il s’agit d’un moment majeur pour l’histoire de l’humanité.

L’accord est également historique en ce qu’il concerne, selon le GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat –, 200 millions de personnes vivant notamment dans les métropoles côtières, exposées au risque de montée des eaux, sans oublier, évidemment, les 26 millions de réfugiés environnementaux, qui subissent déjà cette dégradation.

C’est aussi – j’y reviendrai – un réel succès pour la diplomatie française.

Nous mesurons tous l’urgence de répondre aux multiples dérèglements causés par le réchauffement climatique : vagues de chaleur, sécheresses, montée du niveau des mers, sans oublier les guerres du climat et de l’eau qui ne manqueront pas de survenir. Face à cette urgence, l’accord de Paris pose les bases d’une réelle maîtrise des émissions de gaz à effet de serre à l’origine des dérèglements climatiques les plus graves. C’était nécessaire, c’était même indispensable, pour éviter que l’habitabilité de la planète, tout simplement, ne soit menacée de manière irréversible.

Cet accord, j’y reviens et j’insiste, constitue aussi un réel succès de la diplomatie française, du ministre des affaires étrangères d’alors, Laurent Fabius, et de vous-même, madame Royal : avec vos équipes du ministère de l’environnement, vous avez fait preuve de détermination, de volontarisme et d’une exigence sans faille, ce qui nous a permis d’aboutir à un succès total. Je voudrais aussi saluer le travail de Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques. Ce succès démontre, pour ceux qui cultivent le doute, l’influence de la diplomatie française sur la scène internationale. Il fallait aussi le rappeler car trop de nos concitoyens n’en sont pas suffisamment conscients.

Sur le fond, l’accord de Paris, me semble-t-il, prévoit l’essentiel.

Tout d’abord, l’objectif est de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 degrés et même de s’efforcer de la limiter à 1,5 degré, l’ambition, à terme, étant d’atteindre la neutralité des émissions dans la deuxième moitié du siècle. Le respect de ce plafond de 2 degrés Celsius est identifié depuis longtemps par les scientifiques comme indispensable pour éviter que les dérèglements climatiques ne menacent irréversiblement l’habitabilité de la terre.

Ensuite, l’accord prévoit un mécanisme financier clé : l’ajustement de la contribution climat de chaque pays tous les cinq ans, de façon toujours plus ambitieuse, ainsi qu’un bilan collectif au niveau mondial tous les cinq ans afin de faire un point global sur les engagements des pays. Le premier bilan aura lieu en 2023. Auparavant, aux termes de la décision qui accompagne l’accord, les États se rencontreront une première fois en 2018 pour évaluer leurs avancées.

Par ailleurs, l’accord prévoit des financements pour la transition énergétique comme pour l’adaptation aux conséquences des dérèglements climatiques. Il incombe aux pays développés de fournir et de mobiliser des financements, qui devront progressivement augmenter. Les fonds publics doivent constituer une part significative des financements consacrés au climat. La décision qui accompagne l’accord maintient jusqu’en 2025 l’engagement d’un financement de 100 milliards de dollars par an, rien de moins. La nécessité de rééquilibrer les financements, notamment publics et sous forme de dons, en faveur de l’adaptation est affirmée. L’accord mentionne aussi que certains pays en développement pourront, sur la base du volontariat, devenir des donateurs afin d’aider les pays les plus pauvres. C’est là une façon d’agir juste.

Le ministre des affaires étrangères l’indiquait clairement en amont de l’accord de Paris : « un accord climatique mondial, ce n’est pas une exigence que les pays développés imposeraient aux pays en développement ; c’est une exigence universelle à laquelle nous devons répondre ensemble. La solidarité climatique doit encore progresser ; la mobilisation des financements et des technologies en faveur des pays du Sud également. L’accord de Paris doit être aussi un pacte pour la justice et contre les inégalités. » Telle est la dimension politique de l’accord.

Il reste beaucoup à faire mais cet accord donne le sentiment que le mouvement est irréversible. Hier, les représentants des pays qui ont participé à la COP21 se retrouvaient à Bonn, en Allemagne, pour finaliser l’accord obtenu à Paris ; cette réunion au siège de la Convention des Nations unies intervient cinq mois après le sommet organisé par la France. Les délégués des 195 pays sont ainsi rassemblés : après la phase de négociation vient le temps de la collaboration et de la mise en oeuvre concrète.

Dans ce contexte, je le dis sincèrement, notre assemblée ne peut, dans un unanimisme rare et donc historique, qu’autoriser la ratification de cet accord de Paris. Il nous faudra ensuite, avec beaucoup de vigilance et d’opiniâtreté, le traduire collectivement dans le réel. C’est le défi de notre génération et notre responsabilité politique.

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