Intervention de Gérard Menuel

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 15h00
Ratification de l'accord de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Menuel :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela fait six mois exactement que Laurent Fabius, par un coup de marteau, actait devant le monde les accords de Paris concernant les changements climatiques.

Les intentions exprimées avec les 195 délégations venues de toute la planète peuvent-elles être considérées comme un succès ? Au delà de la communication qui a accompagné cet événement, certainement. Néanmoins, en considérant le fond et les enjeux, il reste, convenons-en, quelques doutes à lever.

Objectivement, avoir sensibilisé et mobilisé 195 pays de la planète constitue déjà une réussite.

C’est une réussite aussi d’avoir fait participer et fédéré autant d’acteurs économiques de l’industrie, du commerce, de la production énergétique ou encore du secteur bancaire, dont on connaît les comportements toujours exemplaires…

C’est une réussite parce que, dans la transparence, les enjeux climatiques et les conséquences tragiques du réchauffement de la planète, à échéance de la fin de ce siècle, ont été clairement analysés, après un diagnostic précis et une bonne identification des causes du phénomène.

Mais sur le fond, cet accord a également ses limites. Pour commencer, nous sommes loin des préconisations du GIEC, qui, pour 1,5 degré de réchauffement, annonce des catastrophes en chaîne, en particulier dans les zones et les pays les plus vulnérables.

Même strictement appliqué quant à ses objectifs, en sachant que l’accord de Paris s’en est tenu à des principes généraux et que les modalités d’application à définir seront essentielles, à combien de degrés le réchauffement s’élèvera-t-il ? À 2,5 degrés pour les optimistes, 3 degrés pour les pessimistes, voire davantage…

À de tels niveaux, il est difficile de prévoir les conséquences mais il est clair qu’elles seraient catastrophiques. Sur une planète où vivront quelque 9 milliards d’habitants, elles pourraient remettre en cause l’ordre mondial et provoquer des déplacements massifs de populations.

Cet accord peut être considéré, c’est vrai, comme une réussite diplomatique, mais il ne s’agit pas d’une fin en soi, loin s’en faut. Il appelle à un changement de comportement de tous les dirigeants de la planète et à une mobilisation de tous ses habitants.

Autre faiblesse : cet accord n’est pas contraignant. Mais pouvait-il en être autrement ? On se souvient trop bien des accords ayant eu peu de lendemains – celui de Kyoto par exemple – et du manque de volonté manifesté par les grands pays émetteurs. Il faudra que cela change.

Les États-Unis, la Chine et l’Inde ont relégué cette préoccupation environnementale bien loin derrière leur développement et leurs intérêts économiques, privilégiant une vision à court terme et feignant d’ignorer les conséquences de leurs choix à échéance plus lointaine.

En Europe même, on peut douter que l’esprit COP21 soit chevillé à l’action et aux décisions quotidiennes des pays membres de l’Union européenne. Là aussi, il faudra que leur comportement change.

En Allemagne, comme en France, les enjeux du réchauffement sont connus depuis de nombreuses années. Cela n’a pas empêché nos voisins de faire le choix de l’énergie fossile pour ses centrales électriques ; ce n’est pas, pour le moins, leur décision la plus vertueuse pour l’environnement.

C’est dire que très souvent, trop souvent, en l’absence de contraintes fortes, il y a loin des intentions aux actes. L’esprit et la lettre de la COP21 doivent alors s’imposer.

Et que dire du comportement de l’Union européenne, évoqué tout à l’heure par le président Chanteguet, dans les négociations transatlantiques à propos du TAFTA ? À lire les quelques éléments sortis de cette discussion commerciale avec les États-Unis, on peut douter de la volonté des négociateurs de prendre en compte l’esprit insufflé pas l’accord de Paris.

Après une longue période de doute, il convient maintenant d’entrer dans le dur du chemin ouvert à Paris. Ce sont des murs qui se lèvent sur ce chemin, avec les problématiques de financement, de crédits d’études, d’assurance, de droit. Je me souviens de nos débats en commission à propos des notions « légalement contraignant » et « juridiquement contraignant » – il y a plus qu’une différence –, mais aussi de la problématique du carbone et de sa fiscalité. C’est une évidence, le réchauffement climatique est bel et bien le premier défi du siècle présent.

L’accord de Paris, dans ce contexte, a ses vertus. La première est d’avoir cassé la spirale négative et pessimiste des précédents textes. Autre point essentiel, il a rassemblé l’ensemble des acteurs mondiaux autour du bien commun. Il nous faut Il convient maintenant passer à l’action collective à l’échelle mondiale.

Offrons à ce texte un vote positif pour saluer le travail collectif réalisé ici, à Paris, et la mobilisation générale. Nous accompagnerons ainsi un acte fondateur dont il faudra suivre le cheminement jour après jour.

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