Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 15h00
Ratification de l'accord de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris sur le climat, adopté le 12 décembre 2015 en conclusion de la conférence mondiale dite « COP21 », a été salué partout dans le monde. Après plusieurs conférences qui s’étaient soldées par des échecs, cet accord est plus qu’une déclaration incantatoire : il implique des procédures concrètes de mise en application pour lutter contre le changement climatique. Il prévoit des transferts financiers et engage les États comme chacune et chacun d’entre nous.

Sa ratification par le Parlement est donc un moment particulièrement important. Il est bon que la France continue d’être à la pointe en la matière et soit parmi les premiers pays à le ratifier.

Cet accord n’est cependant pas une fin en soi mais une étape. En tant qu’écologiste, je voudrais évidemment que la communauté internationale, Union européenne et France incluses, sachent aller plus loin, car les dégâts du réchauffement climatique sont là.

Je souhaiterais que l’objectif de long terme soit encore plus ambitieux, qu’il soit fixé à des baisses allant de 40 à 70 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Je souhaiterais que le financement de cette transition soit actée par des objectifs chiffrés, acceptés et mis en oeuvre par tous. La France a montré la voie et le Président de la République s’y était engagé dès avant la conférence.

Je souhaiterais que les États les plus industrialisés puissent pleinement compenser les préjudices subis par les pays en voie de développement.

Je souhaiterais enfin que la question du prix du carbone soit traitée de front et qu’un prix plancher soit fixé au sein d’un marché européen et mondial de quotas. C’est ce que tout écologiste souhaiterait, mais également tout citoyen du monde entendant relever le défi du climat.

Nous sommes lucides quant aux obstacles qui se dressent sur le chemin de l’action. On pense souvent au poids des lobbies, montrés du doigt à juste titre ; ils sont très puissants, ne soyons pas naïfs. On connaît le poids des grandes compagnies pétrolières et des grands groupes énergétiques, partout dans le monde, mais on connaît aussi le poids de l’inertie politique et de l’inertie du système au sein de chaque État.

Il est de notre responsabilité de voir le chemin parcouru autant que celui qui reste à parcourir. Car si cet accord comporte encore quelques manquements et faiblesses, il met en place des mécanismes enclenchant une dynamique collective efficace de lutte contre le dérèglement climatique.

J’aimerais le rappeler à ceux qui l’ont oublié, dans le domaine du climat ou plus généralement de l’environnement, il n’existe pas d’institution internationale disposant d’un pouvoir supranational, voire simplement d’un pouvoir de sanction, à l’instar de l’Organisation mondiale du commerce. Obtenir un accord passe donc par une négociation et un engagement volontaire de nombreux acteurs. Cette négociation est évidemment très complexe et conduit nécessairement à des compromis.

De l’aboutissement de l’accord de Paris, nous pouvons être fiers. Et je veux à nouveau saluer l’engagement de la diplomatie française, à commencer par celui du Président de la République, François Hollande, mais aussi celui de Laurent Fabius et le vôtre, madame la ministre.

Nous avons passé le premier cap. Nous avons acté que l’urgence climatique est avérée et nous ne manquons pas de preuves. Nous avons aussi acté un certain nombre de points très importants cruciaux pour passer à l’action, que je voudrais rappeler.

Premièrement, l’objectif des 2 degrés. En réalité, si l’accord prévoit de maintenir le réchauffement « nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels », il vise aussi à poursuivre « l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5° C », ce qui constitue un objectif plus ambitieux, alors que les engagements publiés par les États avant le début de la conférence nous menaient à plus 2,8 degrés.

Deuxièmement, la différenciation. L’accord rappelle le principe des « responsabilités communes mais différenciées ».

Troisièmement, le financement. Les discussions sur ce point ont été très complexes, mais l’accord final laisse entrevoir une issue favorable en faisant des 100 milliards promis à Copenhague un plancher.

Quatrièmement, la transparence. L’accord prévoit un cadre « afin de renforcer la confiance mutuelle et de promouvoir une mise en oeuvre efficace », s’agissant notamment des contributions nationales.

Cinquièmement, la révision des engagements, c’est un point essentiel. L’accord prévoit un mécanisme de révision, une clause de revoyure, sans possibilité d’abaisser les objectifs, tous les cinq ans à partir de 2025.

Les écologistes ratifieront évidemment cet accord mais appellent à l’action, à tous les niveaux : chacun doit y prendre sa part, ici et maintenant, dans tous les domaines, qu’il s’agisse, bien sûr, de l’énergie, comme cela a été amorcé avec la loi relative à transition énergétique, mais aussi de ceux des transports ou de l’agriculture, tout aussi importants.

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