Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, doit être ratifié car il confirme l’objectif de contenir la hausse des températures en deçà de 2 degrés Celsius, plafond identifié depuis longtemps par les scientifiques comme indispensable pour éviter l’emballement des dérèglements climatiques.
Atténuation – c’est-à-dire, concrètement, réduction des gaz à effets de serre – et adaptation deviennent, dès lors, les deux mots-clés de nos comportements individuels et collectifs, avec la nécessité impérieuse de prévoir les financements nécessaires pour leur mise en oeuvre. L’adaptation au changement climatique est donc centrale dans l’accord de Paris sur le climat adopté à l’issue de la COP21.
Aujourd’hui, la grande majorité des projets d’adaptation concernent l’eau : ils représentent en effet plus de 90 % des engagements volontaires des États. Nous sommes donc, madame la ministre, dans une situation paradoxale : alors que l’eau est un enjeu fondamental, alors que la communauté internationale a reconnu l’eau comme une priorité stratégique, l’attention qui lui est portée ne me semble pas suffisante.
Je m’explique. L’eau est un enjeu fondamental. La croissance démographique, l’urbanisation, les évolutions des modes de vie et de consommation, le changement climatique lui-même constituent d’importantes pressions sur les ressources en eau mondiales qui remettent en cause la gestion durable de celles-ci et notre capacité à assurer les besoins humains fondamentaux – je pense à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, à la sécurité alimentaire, à l’énergie et à la santé publique.
L’eau est une priorité stratégique, maintenant reconnue par la communauté internationale. En effet, les Nations unies ont décidé d’en faire, en septembre 2015, le sixième des dix-sept objectifs de développement durable. Deux autres accords internationaux lui donnent une place centrale : le cadre de Sendai, fixé en 2015, au Japon, lors de la troisième conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe, notamment consacré aux sécheresses et aux inondations, que je qualifie souvent d’« excès du grand cycle de l’eau » ; la programme d’action d’Addis Abeba, adopté en Éthiopie en juillet 2015, qui porte sur le financement du développement de l’après-2015.
Il convient toutefois, à mon sens, d’aller plus loin. Il ne vous étonnera pas, madame la ministre, qu’avec ma double casquette de président du Comité national de l’eau et du Partenariat français pour l’eau, je dise que la France gagnerait à se positionner de manière encore plus volontariste à l’international, pour défendre les positions qui lui sont chères.
Elle doit d’abord replacer au-devant de la scène son modèle de gestion : la gestion décentralisée par bassin versant, la concertation, l’approche sociale, l’innovation. Je sais que vous avez incité les agences de l’eau de nos grands bassins hydrographiques à nouer des coopérations avec les grands fleuves d’Afrique. Cette coopération décentralisée mérite en effet d’être relancée.
Je suggère même d’y ajouter le Maroc avec la problématique particulière des aquifères profonds. Victime de phénomènes de sécheresse récurrents, le Maroc, organisateur de la COP22, est en première ligne pour ressentir les effets du changement climatique sur l’eau. Une conférence de haut niveau « Eau et climat », préparatoire à la COP22, qui se tiendra les 11 et 12 juillet prochains à Rabat, réunira les acteurs de l’eau comme du climat, avec un focus sur le continent africain, et préparera notamment les contributions de la communauté internationale de l’eau pour la COP22.
Nous devons aussi travailler à la mise en place d’une gouvernance spécifique au niveau mondial, en ouvrant, en France, le chantier de la mise en oeuvre opérationnelle et du suivi des dimensions eau de l’Agenda 2030.
Par ailleurs, atteindre le sixième objectif de développement durable, consacré à l’eau, impose que notre pays participe activement au core group pour le suivi et la révision des cibles eaux desdits objectifs, qui s’appuiera sur l’agence des Nations unies pour l’eau.
Madame la ministre, même si la COP21 a été l’occasion, pour les acteurs de l’eau français et internationaux, regroupés autour de la campagne de plaidoyer « Le climat c’est l’eau » – #ClimateIsWater –, de se mobiliser fortement pour une prise en compte des enjeux de l’eau dans les négociations et décisions sur le climat, celle-ci n’est pas mentionnée directement dans l’accord de Paris. Cela ne nous empêchera pas de voter la ratification, mais en souhaitant que la France plaide demain, comme elle le fait, par votre voix, pour les océans, en faveur d’une véritable prise en compte de l’eau dans les négociations sur le climat et les conditions de mise en oeuvre de l’accord de Paris.