Pour que le réchauffement n’excède pas 2 degrés, il faudrait, selon les scientifiques, n’émettre pas plus de 14 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an, alors que les émissions de CO2 atteignent actuellement, à elles seules, 37 milliards de tonnes par an. Ces ordres de grandeur signifient qu’il faut donc diviser par deux, voire par trois, nos émissions actuelles.. Or que faisons-nous, à l’échelle de la planète tout entière ? Exactement l’inverse.
Comment évolue la consommation d’énergie ? Entre les années soixante-dix et 2030, selon une projection étayée par des informations assez sûres, elle sera multipliée par 3 : de 5,5 milliards de tonnes équivalent pétrole en 1970, elle est passée à 12 milliards de tonnes en 2010 et pourrait atteindre 16 milliards de tonnes en 2030. C’est le premier problème à résoudre.
Le second est celui du bouquet énergétique mondial, aujourd’hui composé pour plus de la moitié d’hydrocarbures – gaz et pétrole –, pour un tiers de charbon, le reste, à savoir le nucléaire et les énergies renouvelables, ne représentant qu’une très faible quantité. Ce bouquet énergétique est terrible car, d’une part, la quantité de gaz et de pétrole va stagner puis diminuer et, d’autre part, on va recourir massivement au charbon, pour lequel les réserves sont importantes. Actuellement, la consommation de charbon augmente de 4 % par an. Comment faire avec un bouquet énergétique qui n’est pas viable ?
Un troisième problème, la cerise sur le gâteau, est la déforestation, dont nous avons peu parlé. Celle-ci se poursuit de manière absurde, parce qu’elle ne produit pas de richesses. Les chiffres d cette destruction, là encore, sont difficiles à appréhender, mais elle représente de l’ordre de 6 milliards de tonnes équivalent CO2 par an.
Voilà l’équation infernale que nous devons résoudre.
L’accord de Paris est bon car il faut bien commencer par quelque chose. Comme l’a justement souligné Bernard Deflesselles, il a fallu vingt-cinq ans, depuis le sommet de Rio, en 1992, pour parvenir à un accord universel ; tant mieux, mais son contenu demeure très limité, ce dont la responsabilité n’incombe pas à la France.
Nous savons pourtant ce qu’il faut faire, c’est ce qui est terrible. De ce point de vue, notre responsabilité vis-à-vis des générations suivantes est immense. Nous savons et nous pouvons. Ce qu’il faut faire est aussi simple à dire que terriblement compliqué à réaliser.
Il faut d’abord que toutes les politiques, au moins publiques et, si possible, privées, convergent vers les économies d’énergie. La France, qui fait beaucoup d’efforts dans ce domaine, mériterait d’être suivie par d’autres pays.
Ensuite, il faut aller – j’ose le dire parce que c’est, je crois, la seule solution à moyen terme – vers l’économie mondiale décarbonée, c’est-à-dire substituer au tandem infernal pétrole-gaz plus charbon, le tandem énergie nucléaire-énergies renouvelables. C’est ça, la véritable équation.
Enfin, il faut arrêter la déforestation, qui entraîne le massacre de la biodiversité. Au début des années 2000, on détruisait encore chaque année l’équivalent de la forêt française.
L’enjeu est immense. Le rappeler est faire oeuvre non de pessimisme mais de réalisme : nous devons mesurer l’ampleur de cet enjeu. Encore une fois, la France a posé la première pierre de l’édifice, nous pourrons le rappeler plus tard. Pour l’heure, il faut construire la maison tout entière, car vous avez raison, monsieur le rapporteur : la maison brûle, elle continue de brûler et il va maintenant falloir la reconstruire.