Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, derrière l’effervescence médiatique, force est de constater que l’accord de Paris souffre malheureusement d’un programme pour le moins hypothétique.
Observons les accords passés : le protocole de Kyoto, signé en 1997, et les autres grands raouts internationaux sur l’écologie n’ont pas permis d’améliorer la situation, bien au contraire, puisque, depuis 1997, les émissions de CO2 ont augmenté de 50 %.
Pour être valide, l’accord de Paris doit être ratifié par au moins cinquante-cinq pays responsables d’au moins 55 % du volume total des émissions de gaz à effet de serre. Nul doute qu’il entrera en vigueur, d’autant qu’il n’expose pas ses signataires à un mécanisme coercitif en cas de non-respect des engagements, à la différence de l’accord de Kyoto, qui instituait un mécanisme de sanction rebutant bon nombre de pays. L’accord de Paris a au moins l’intelligence de ne pas réitérer l’erreur de l’écologie punitive.
Mais sa portée s’obscurcit, alors même que débute le processus de ratification par les États. Le Japon a abandonné son opposition à la construction de nouvelles centrales électriques au charbon. Les objectifs des États-Unis, second pollueur au monde, sont en deçà de ceux de l’Europe ; par ailleurs, le rejet par la Cour suprême américaine du plan de lutte contre le réchauffement climatique, visant à réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030, montre la fragilité de l’engagement américain sur le long terme.
L’Europe, quant à elle, a promis à réduire de 40 % ses émissions d’ici à 2030. Cet effort, non réparti entre les États membres, crée un système injuste : la Pologne, qui dépend de ses ressources charbonnières, ne pourra pas atteindre l’objectif fixé. L’Allemagne joue un double jeu en invoquant des objectifs plus qu’ambitieux tout en possédant les centrales de charbon les plus polluantes du continent.
L’Arabie Saoudite, pour sa part, n’a toujours pas signé un accord demandant en substance de mettre fin aux énergies fossiles d’ici à 2050. Pourtant, sa rédaction épargne l’ego des pétromonarchies : pas une fois, les mots « énergies fossiles » ne sont mentionnés dans le texte final, ce qui n’empêche pas de faire du pétrole, du charbon, du gaz et des autres énergies fossiles les premiers responsables du réchauffement climatique. Imaginez : pour ne pas aggraver le taux d’émission de gaz à effet de serre, il faudrait que 80 % de ces énergies polluantes restent sous terre.
L’accord vise une augmentation du réchauffement de la planète bien inférieure à 2 degrés. Pour cela, les émissions mondiales devraient être réduites de 40 à 70 % d’ici à 2050. Cela implique que les combustibles fossiles, à partir de la seconde moitié du siècle, ne soient plus utilisés. Pour atteindre l’objectif minimal de 40 %, il faudrait revenir au volume d’émissions de gaz à effet de serre des années quatre-vingt. Autant dire qu’il s’agit malheureusement d’une chimère.
En outre, l’accord de Paris oublie que la transition énergétique passe aussi par la transition démographique : aucune ligne de l’accord n’aborde cette thématique. Selon les estimations de l’ONU, la population mondiale s’élèvera à 9,7 milliards en 2050 et à 11,2 milliards en 2100. Plus de 70 % des hommes vivront dans des zones urbaines. Les programmes d’énergie des pays riches ne sont qu’une goutte d’oxygène dans cet air de plus en plus oxydé par une consommation mondiale galopante.
Alors il y a urgence à agir en Asie, qui comptera un demi-milliard d’habitants supplémentaires en 2100, mais surtout en Afrique, où la population passera à 4 milliards d’habitants. S’ajoutera alors une considérable proportion de gaz à effet de serre incompressible, c’est-à-dire d’émissions de CO2 associées à une consommation minimale d’énergie journalière essentielle pour l’individu. En 2015, les émissions de gaz à effet de serre vitaux s’élevaient à 9,6 gigatonnes équivalent CO2 ; en 2100, elles s’élèveraient ainsi à 14,6 gigatonnes équivalent CO2. Ce seront d’autant moins de réserve pour maintenir le réchauffement climatique sous le plafond de 2 degrés d’ici la fin du siècle.
Parallèlement, l’accroissement de la population aggravera la déforestation, alors que les forêts, captant le carbone, sont essentielles à l’équilibre atmosphérique. Je donnerai un seul exemple : le second poumon de la planète, situé au Congo, recule de 4 millions d’hectares par an, sans qu’aucune grande politique ne soit menée pour y remédier.
Soyons donc lucides et reconnaissons que les prévisions des populations pour le siècle sont incompatibles avec les objectifs de réduction du réchauffement climatique. Le problème de la démographie est d’autant plus grave que les pays en développement souhaitent – c’est légitime de leur part – parvenir au même niveau de développement que les pays riches, dont la France fait partie.
C’est pourquoi la question démographique doit devenir la pierre angulaire des aides allouées aux pays émergents. Ainsi, les 100 milliards prévus pour soutenir leur transition énergétique devraient être prioritairement affectés aux programmes d’accès à l’éducation et à la santé. Adapter les aides sanitaires aux causes de mortalité contribuerait à la nécessaire transition démographique.
De son côté, la France peut apporter sa pierre à l’édifice en concentrant son aide sur le canal bilatéral et en la réservant aux pays prioritaires d’Afrique francophone, pour plus d’efficacité et moins de dilution.
Face aux grand-messes internationales, servant surtout à la communication, le retour aux souverainetés est la solution véritable pour faire face aux défis énergétiques. À quoi sert-il de mobiliser le monde quand l’Union européenne nous interdit de donner la priorité aux produits nationaux, aux circuits courts, respectueux des rythmes de la nature et beaucoup moins énergivores, quand les choix économiques de l’Union européenne poussent à toujours plus de mondialisme, de libre-échange, de concurrence frontale et déloyale, au détriment de la production locale ?
Pourquoi être aussi ambitieux au niveau mondial, alors que nous ne sommes même pas capables d’exiger, à notre échelle, que les produits pénétrant notre marché respectent les normes environnementales que nous exigeons de nos chefs d’entreprise et de nos agriculteurs ? Parce que nous préférons une mondialisation tirée par le haut à une écologie médiatique et hors-sol, nous nous abstiendrons sur ce texte.