Intervention de Barbara Romagnan

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 15h00
Ratification de l'accord de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Romagnan :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris représente une grande avancée, qu’il convient de saluer, ce qui a déjà amplement été fait.

Par son existence même tout d’abord. Il s’agit d’un moment inédit, dans lequel tous les États s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, car ils reconnaissent que seule l’action de tous peut permettre de freiner les dérèglements du climat et que cette question est universelle, à la fois dans sa dimension géographique et dans sa dimension temporelle : ce que nous faisons ou pas dans notre coin de la planète a un impact partout sur la terre ; ce que nous faisons ou pas maintenant aura un impact sur la vie de ceux et celles qui vont nous succéder.

Il nous faut ensuite saluer le fait que, par cet accord, l’écologie n’est plus considérée comme une question secondaire. Dans le discours des dirigeants du monde, la pollution sans frein de l’atmosphère, des sols, des rivières et des océans ne va plus de soi. On sait bien que les discours ne sauraient suffire, mais cette reconnaissance officielle offre une légitimité et un point d’appui nouveau, important, pour les militants et les acteurs de la transition énergétique.

Plus précisément, l’accord inscrit le plafond de 2 degrés et mentionne celui de 1,5 degrés. Il prévoit des mécanismes de révision et reconnaît l’action des acteurs non étatiques.

Mais on peut saluer les avancées de cet accord par rapport à la situation antérieure, son caractère universel et ses objectifs ambitieux tout en s’inquiétant de l’écart constaté entre la situation actuelle et les moyens que l’on se donne pour atteindre ces objectifs. Il y a lieu d’être vigilant, au vu, d’une part, de ce qui n’est pas présent dans l’accord et, de l’autre, de l’écart constaté entre les discours des États et les actes nécessaires pour maintenir la température de la planète à un niveau supportable.

En effet, l’accord ne contient rien sur les énergies fossiles, alors même qu’il y a urgence à les abandonner. Il ne contient rien non plus sur le commerce international et l’incompatibilité entre les exigences de la limitation du réchauffement climatique et les conséquences de la signature éventuelle du TAFTA. Il ne contient rien de contraignant non plus sur les émissions du transport aérien et maritime, pourtant responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre.

Cet écart entre le discours et les actes s’illustre également par le fait que l’accord affirme la nécessité de rester sous les 2 degrés mais n’oblige pas les États à réduire suffisamment leurs émissions de gaz à effet de serre pour garantir cet objectif. Mises bout à bout, les contributions nationales conduisent d’ailleurs à un réchauffement climatique global avoisinant les 3 degrés, bien au-delà de l’objectif fixé par l’accord et surtout de la limite recommandée par les scientifiques, ce qui équivaut à franchir des seuils incontrôlables et irréversibles d’emballement climatique.

De même, il faut bien reconnaître que, si l’accord nous engage, en son alinéa 137, sur la voie de la neutralité carbone, en spécifiant qu’« il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions de gaz à effet de serre s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification carbone », il n’est pas parvenu à fixer cette tarification du carbone, alors que cette étape est indispensable à la traduction dans les faits de cet engagement.

Je tenais à insister sur ce point, car fixer une tarification au carbone, c’est permettre de donner aux énergies fossiles leur vrai coût social et environnemental. Les énergies carbonées ne sont économiquement compétitives que parce que nous différons leur véritable coût, qui est assumé non pas par les émetteurs de CO2 mais par la société et l’environnement. Pour donner leurs véritables chances aux énergies renouvelables, il est temps de corriger cet avantage.

À cet effet, il faut prendre en compte tout d’abord le prix – il évolue actuellement entre 5 et 10 euros, ce qui est très insuffisant – et ensuite la géographie. Tant que nous n’aurons pas instauré un corridor carbone tenant compte des niveaux de développement des différents pays, les entreprises pourront décider de délocaliser leurs activités dans les zones où les tarifs sont les plus avantageux.

Nous voulons un accord ambitieux dans ses objectifs et son universalité tout en étant contraignant. Mais sans doute un accord entre des États ne pouvait-il être les deux en même temps. Si le niveau de contrainte avait été plus élevé, nous aurions probablement perdu en ambition et en universalité. Nous avons un accord universel et ambitieux, donc – ou parce que – le niveau de contrainte est faible. Les États sont souverains, qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse.

Sans arbitre international, le droit international tient largement du symbole. Dans les négociations climatiques, la vraie contrainte n’est pas le texte de l’accord mais le jugement que l’opinion publique portera sur celui-ci et la mobilisation de la société civile. Notre signature est une étape indispensable, qui sera aussi nécessaire à la mobilisation des acteurs de la société, afin de mettre la pression sur les États à chaque cycle de révision.

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