Intervention de Franck Gambelli

Réunion du 6 avril 2016 à 16h30
Mission d'information relative au paritarisme

Franck Gambelli, membre de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, représentant Mme Natahlie Buet, présidente de la commission :

Pour compléter les propos de M. Naton, si l'on se projette dans la durée, il y a des raisons. Ce n'est pas uniquement la posture d'organisations qui défendent leur mandat.

La première loi ayant mutualisé entièrement un risque remonte à 1898. Avant, on raisonnait selon les règles classiques de la responsabilité civile : je prouve un dommage, j'intente un procès. La grande nouveauté, en 1898, c'était : je ne cherche pas la preuve, je n'ai pas besoin de procès, je dispense les salariés d'attaquer leur patron et je mutualise le risque. En contrepartie, j'indemnise forfaitairement.

À l'origine, ce n'était qu'une assurance patronale, un régime de responsabilité patronale, qui a généré l'idée même de Sécurité sociale. C'est la première fois qu'en Europe – pas exactement, car les Allemands l'avaient fait avant –, on mutualisait le risque.

La branche AT a un long passé. Pourquoi est-ce important ?

Elle a été incorporée à la Sécurité sociale après la guerre. L'État a son rôle dans la législation, ainsi que l'assureur, mais, grosso modo, les acteurs du risque, ce sont l'employeur, qui a l'obligation de sécurité, et le salarié, qui est la victime virtuelle.

En ce qui concerne l'ancrage paritaire, l'intuition antérieure à la « Sécu », mais qui s'est prolongée, c'est que la prévention des risques professionnels se gère dans des métiers, dans un environnement professionnel, en lien avec le salarié et l'employeur.

Dans la métallurgie ou dans le bâtiment, il y a des cultures de métiers, et les entreprises fonctionnent par capillarité. Les cultures de prévention ne doivent pas être en contradiction avec le travail réel. Elles doivent vivre et croître avec le travail réel et s'incarner dans des branches professionnelles. C'est la première intuition de la branche AT-MP, qui fonctionne toujours sur ce principe de grandes branches professionnelles. C'est-à-dire qu'on ne va pas trouver des ténors, des avocats ou des plaideurs professionnels, mais des hommes de l'art au niveau national.

La deuxième intuition, c'est que cela doit aussi se décliner sur le plan territorial.

Nous avons deux structures de branche, méconnues, mais très importantes, les comités techniques nationaux et les comités techniques régionaux, qui produisent des recommandations assurantielles de manière consensuelle – après moult bagarres entre nous, qui durent parfois un ou deux ans. Mais peu importe… Au final, on arrive à une recommandation, qui fait l'objet de sanctions, et qui est acceptée par le corps professionnel auquel elle est destinée, c'est-à-dire les employeurs et les salariés.

C'est une démarche très originale par rapport aux approches réglementaires classique. Ce sont des textes peut-être plus rustiques, moins peaufinés sur le plan juridique - ils ne font pas cinquante pages –, mais ils peuvent être lus et appliqués par n'importe qui.

D'autres pays ont cette expérience à la puissance 10. En Allemagne, par exemple, les recommandations paritaires ont quasiment force de loi, ce qui est moins le cas chez nous. Si le paritarisme a encore un sens, c'est bien dans le champ des conditions de travail.

Pour ce qui est de la vieillesse et de la maladie, ce sont des problèmes de type macroéconomiques qui engagent toute la société et qui nous dépassent, aussi bien en tant qu'employeur que salarié.

Les associations de victimes ont leur rôle social et sociétal. Mais, dans l'entreprise, comment faire avancer les choses ? Il n'y a que dans notre dialogue, qui est parfois un peu musclé, qu'on peut arriver à trouver un consensus.

Nous sommes arrivés à des consensus pendant près de dix ans. Nous avons notamment voté une Convention d'objectifs et de gestion (COG) à l'unanimité. Je crois qu'il n'y a pas de précédent dans la Sécurité sociale. Cette COG, qui a pris fin en 2012, a complètement restructuré la branche AT-MP. Il était temps, car elle roupillait tranquillement.

Elle a été restructurée autour d'un pilotage paritaire, avec des axes nouveaux, qui n'ont pas encore complètement abouti, s'agissant notamment du maintien dans l'emploi, thématique qui n'était pas dans le champ de la prévention des risques professionnels. On restait sur des thématiques hypertechniques : je préviens les accidents sur machines, je m'occupe du risque chimique.

Nous avons réorienté la branche. Il ne s'agissait pas uniquement de prévenir les risques professionnels, mais de prendre en compte le fait qu'il y a des personnes qui vieillissent dans le travail, qui sont fatiguées, ou encore accidentées. Nous avons un devoir particulier envers ces personnes. Or les systèmes de maintien dans l'emploi, en France, sont complètement explosés, éclatés, sectorisés. Certes, il y a, dans nos caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), un service social, il y a l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH), il y a l'univers associatif. Mais rien de tout cela n'est maillé.

C'est un projet qui nous a réunis et qui est toujours en cours. Cela étant, il y a eu les difficultés budgétaires qu'on sait pour la branche AT-MP.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion