Intervention de Franck Gambelli

Réunion du 6 avril 2016 à 16h30
Mission d'information relative au paritarisme

Franck Gambelli, membre de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, représentant Mme Natahlie Buet, présidente de la commission :

Le compte pénibilité, c'est un départ anticipé à la retraite, avec un régime de base abattu de 5 % environ, pour tous les salariés, et des retraites complémentaires qui ne suivront pas. Tout le monde le sait.

Par ailleurs, l'une des missions de la branche AT-MP consiste à sortir les gens de la pénibilité, pas à les y maintenir. La pénibilité ne doit pas être un avantage acquis.

Il y a eu, en matière d'AT-MP, un grand mouvement d'amélioration, inégal selon les secteurs. On a connu, jusque dans les années quatre-vingt-dix, la période du risque dur, c'est-à-dire le risque lié à une machine, le risque de tomber ou d'être écrasé.

Puis est arrivée la période de l'amiante, avec une crise sanitaire et un risque différé, sournois, pervers. Il y a eu ensuite la période des risques psychosociaux. On voit bien que le risque professionnel est mouvant et lié à des éléments de moins en moins matériels, très difficiles à saisir pour des professionnels de terrain.

Le compte pénibilité est d'une incroyable complexité puisqu'il fixe un seuil d'ouverture des droits fondé sur l'observation du travail réel. Là est le paradoxe, car, au niveau de la Sécurité sociale, ce seuil est basé sur des trimestres, des chiffres, un âge, un taux d'incapacité. Ce sont des éléments objectivables. Les entreprises font un effort énorme pour essayer d'objectiver le dépassement de ces seuils et une ouverture de droits minime.

Je ne vais pas développer le discours du MEDEF sur le compte pénibilité. Mais, pour notre part, nous estimons qu'il est nécessaire d'instaurer un système de sortie anticipée du travail pour certains salariés.

Ce qui est paradoxal, c'est qu'en France, il y en a beaucoup : invalidité, vieillesse, Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA), fins de droits. Nous avons plein de systèmes qui se juxtaposent, qui n'ont jamais été coordonnés. Il n'y a ni vision globale ni priorisation des personnes qui en ont le plus besoin, mais une espèce d'anarchie, de juxtaposition non pilotée de ces systèmes destinés aux carrières longues.

Est-ce que certains sont bien calibrés ? Y aurait-il des effets d'aubaine ? Oui, il y a d'énormes effets d'aubaine, que nous connaissons tous. Il conviendrait de mener une réflexion sur un système global de sortie anticipée du travail, ciblé sur les publics prioritaires. Le C3P ne répond pas à cet objectif.

Cela étant, ce n'est pas la partition de la branche AT, mais celle de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Notre rôle est d'apporter de la prévention, et donc, la sortie de la pénibilité, et de trouver des pistes – mais pas tout seuls –, concernant le maintien dans l'emploi.

Concrètement, que signifie le « maintien dans l'emploi » ? Le maintien dans l'emploi concerne, par exemple, une personne qui un accident de santé dû au travail, nos collègues de l'assurance maladie s'occupant des accidents de la vie ou des pathologies.

Que fait-on pour reclasser cette personne ? Aujourd'hui, c'est un phénomène lié à l'externalisation, il n'y a quasiment plus de postes doux dans les entreprises. Autrefois, il y avait des jardiniers, des postes tertiaires. Certaines entreprises commencent à les réintégrer, mais cela ne suffit pas.

Les reconversions doivent être locales. On ne peut pas balader les gens à 200 kilomètres de leur domicile. La mobilité est faible. La seule solution est d'avoir des maillages territoriaux structurés et méthodiques. C'est ce qui pose problème.

Potentiellement, nous avons ces maillages. Il y a la médecine du travail – 1,3 milliard d'euros financés par les employeurs –, il y a la Sécu, il y a l'univers associatif, qui fait du bon travail. Comment arriver à mailler tout cela et à accompagner les gens ?

L'expérience de la branche AT, c'est avoir un chargé de cas, qui ait un portefeuille de gens à recaser. Ces personnes doivent passer tous les obstacles juridico-administratifs, légaux, médicaux. C'est un vrai parcours du combattant. À mon avis, il y a là un vrai projet pour l'ensemble des caisses nationales. Du côté des entreprises, vous parliez, monsieur Schouller, du licenciement pour inaptitude. C'est vrai, mais, pour une PME, en général, compte tenu du niveau des indemnités, c'est la fermeture. Ce n'est pas la solution.

La réflexion sur la cessation anticipée d'activité doit avoir pour corollaire une forte action de prévention, renouvelée et plus ciblée, et la création d'un système de maintien dans l'emploi, qui évite la cessation anticipée d'activité.

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