Intervention de édouard Bourcieu

Réunion du 4 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires européennes

édouard Bourcieu, représentant de la Commission européenne à Paris, en charge de la politique commerciale :

La négociation du traité transatlantique est importante pour l'avenir de l'Europe, notamment en ce qui concerne la défense de l'environnement. Hier après-midi, François Hollande a fait savoir qu'en l'état il n'était guère possible de conclure les négociations : c'est une évidence, et la Commission européenne est parfaitement d'accord sur ce point avec le Président de la République française. En effet, l'actuel projet d'accord ne reflète pas certains des intérêts fondamentaux de l'Union européenne.

D'où la poursuite de négociations difficiles, car nous sommes face à un partenaire coriace. Mais l'Europe sait, elle aussi, se montrer coriace et faire preuve de ténacité. Ce n'est pas la première fois que l'on négocie un accord commercial de ce type, et nous avons démontré, lors de précédentes négociations, que nous étions capables d'obtenir davantage de nos partenaires que ne pouvaient, de leur côté, en obtenir les États-Unis. Nous n'avons donc ni à rougir ni à partir perdants dans la conduite de ces négociations. Nous devons tout faire pour promouvoir nos intérêts et pousser les Américains à concéder des résultats substantiels sur les sujets importants comme la défense et la promotion des indications géographiques et des appellations d'origine contrôlée (AOC).

En ce qui concerne le principe de précaution, il y est fait référence dans la proposition européenne divulguée par Greenpeace, dont l'article 2 stipule très clairement que chaque partie se réserve la possibilité de maintenir des réglementations et un niveau de protection jugés appropriés et conformes à ses principes fondamentaux et à son cadre réglementaire, ce qui inclut, en l'occurrence, pour l'Europe, le principe de précaution inscrit dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Si la référence n'était pas assez claire, la Commission a mis sur la table en matière de coopération réglementaire une proposition révisée postérieure aux documents divulgués par Greenpeace, dans laquelle a été rajoutée une note de bas de page qui fait explicitement référence aux principes figurant dans le traité européen, dont le principe de précaution. Cette version est consultable en ligne sur le site de la Commission, comme le sont, je le rappelle, tous les textes que la Commission propose à la négociation au nom de l'Union européenne.

J'en viens à présent à la question de l'environnement qui est l'un des domaines des négociations dans lesquels l'Union européenne affiche des ambitions à la hauteur de ce qu'a été la signature de l'accord sur le climat à Paris, en décembre 2015.

Il faut se souvenir au préalable que l'objectif stratégique de ces négociations avec les États-Unis est de réguler la mondialisation, dans un contexte marqué entre autres par l'émergence de nouveaux acteurs et l'apparition de nouvelles formes de concurrence, dont certaines peuvent être qualifiées de déloyales.

Si l'Union européenne est favorable à l'ouverture des marchés internationaux, elle souhaite que les échanges soient encadrés par des règles. Or, dans de nombreux domaines, au premier rang desquelles les questions sociales et environnementales, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) s'est révélée incapable d'imposer ces règles – ce fut notamment l'enjeu de la grande bataille perdue par les Européens à Seattle, en 1999. Mais ces règles, nous en avons besoin, comme nous avons besoin de règles plus ambitieuses en matière d'accès à l'énergie et aux matières premières – on ne peut pas impunément couper le gaz à son voisin ! – ou concernant le comportement des entreprises d'État.

La politique commerciale que l'Union européenne a développée sur la base d'accords bilatéraux avec ses principaux partenaires, y compris les États-Unis, est aujourd'hui le seul et le meilleur moyen de développer ces règles, notamment en matière sociale ou environnementale, a fortiori si l'on songe que l'économie européenne et l'économie américaine pèsent ensemble plus de 40 % de l'économie mondiale.

C'est la raison pour laquelle, en octobre 2015, la Commission européenne a pris l'initiative de proposer aux Américains d'introduire dans les négociations transatlantiques un chapitre sur le développement durable, qui couvre à la fois les questions sociales et les questions environnementales, et comporte également des dispositions horizontales relatives à la responsabilité des entreprises. J'invite chacun à lire ce chapitre, librement accessible, depuis six mois, sur le site internet de la Commission européenne. En la matière, les documents publiés par Greenpeace n'apportent strictement rien de nouveau, et je signale ici, madame la présidente, que nous avons obtenu l'an dernier des Américains le droit de mettre à disposition de tous les parlementaires européens et nationaux les textes consolidés des négociations, que nous avons fait parvenir à l'ensemble des administrations nationales.

La proposition européenne en matière de développement durable s'organise autour de trois piliers. Le pilier domestique, d'abord, affirme le droit des États à réguler et réclame en la matière des engagements explicites et contraignants, notamment en matière de protection des investissements. Nous demandons un haut niveau de protection en matière environnementale et la possibilité pour chaque pays d'appliquer sa législation environnementale sans que les mesures visant à attirer des investissements internationaux ou à favoriser le commerce puissent diminuer le niveau de protection de l'environnement : pas de nivellement par le bas.

Le second pilier, qui concerne la coopération et la gouvernance mondiale en matière d'environnement rappelle que l'Union européenne est partie à plus d'une cinquantaine d'accords multilatéraux, qui portent notamment sur le changement climatique ou la biodiversité. Il s'agit de défendre la mise en oeuvre effective de ces accords multilatéraux et d'organiser le soutien mutuel que l'Europe et les États-Unis peuvent s'apporter sur ces sujets.

Le troisième pilier enfin porte sur les mesures à prendre en matière de coopération bilatérale pour protéger la biodiversité, les espèces en danger ou la pêche, et sécuriser le transport de déchets ou de produits chimiques dangereux.

Sans pouvoir développer l'ensemble des éléments sur lesquels portent les négociations, je conclurais en soulignant que deux points sont encore absents de la proposition européenne : d'une part le changement climatique, domaine dans lequel, à partir des résultats de la COP21, nous souhaitons pousser plus loin la coopération entre l'Europe et les États-Unis, qu'il s'agisse de l'efficacité énergétique ou des énergies renouvelables ; d'autre part, les mécanismes de mise en oeuvre des accords, qui doivent être améliorés, en particulier dans le domaine social et environnemental, si nous voulons que ces derniers ne restent pas lettre morte mais soient effectivement appliqués.

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