Intervention de Claire Rabès

Réunion du 4 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires européennes

Claire Rabès, conseillère technique au cabinet du secrétaire d'état au commerce extérieur :

Si le TTIP – ou PTCI – est à la une de l'actualité, ses enjeux environnementaux ne sont pas les mieux éclairés. Ils souffrent par ailleurs, en matière de négociations commerciales internationales, de s'être inscrits jusqu'à présent dans le cadre juridique et institutionnel de l'OMC, aujourd'hui dépassé puisqu'il remonte aux années quatre-vingt-dix et à l'Uruguay Round, cependant que, dans le domaine climatique, des avancées ont eu lieu depuis, avec le Protocole de Kyoto en 1997, l'adoption des objectifs de développement durable par les Nations Unies en septembre 2015 ou, tout récemment, l'accord de Paris adopté en décembre 2015, à l'issue de la COP21.

Le logiciel de l'OMC est resté axé sur la libéralisation des échanges et, si le droit à réglementer pour protéger l'environnement est reconnu, il reste considéré comme subsidiaire : il y aurait en quelque sorte des normes « dures » – les règles commerciales – et des règles « molles » – les normes environnementales et sociales. Ainsi, l'OMC n'a jamais envisagé la progression du commerce mondial sous l'angle des émissions de gaz à effet de serre ou de CO2, les pays du Sud ayant par ailleurs tendance à considérer les normes environnementales et sociales réclamées par les pays du Nord comme une forme de protectionnisme déguisé.

C'est dans ce contexte qu'ont été lancées les négociations du TTIP, prototype des accords de troisième génération, envisagés pour surmonter les blocages dont souffre l'OMC lesquels font, par exemple, obstacle à la conclusion de l'accord sur les biens environnementaux.

Dans cette perspective, l'Union européenne a choisi, pour défendre le développement durable, la voie conventionnelle et a tenu à insérer dans les accords de libre-échange en négociation un chapitre consacré au développement durable, visant à promouvoir, d'une part, les droits sociaux, en référence aux conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT), et, d'autre part, les impératifs environnementaux, l'adhésion aux accords multilatéraux sur l'environnement, la gestion des déchets ou la préservation des ressources halieutiques, autant de sujets qui ont déjà été intégrés dans les accords signés avec le Canada ou avec Singapour.

L'enjeu est de créer les conditions d'une concurrence équitable et loyale pour les entreprises des pays signataires. À cet égard, le TTIP se présente comme une véritable opportunité de promouvoir et de défendre les normes européennes au plan international. Édouard Bourcieu a raison : il n'y a aucune raison pour que nous n'abordions pas ces négociations dans un état d'esprit offensif, nous sommes suffisamment compétitifs pour pouvoir l'être.

Le secrétariat d'État au commerce extérieur a rappelé que l'un de nos objectifs primordiaux était de lutter contre le dumping social et environnemental et d'éviter le nivellement des normes par le bas, ce qui est l'une des inquiétudes principales de la société civile et pénaliserait en outre les entreprises françaises et européennes qui observent des standards plus contraignants que les entreprises américaines

L'autre ligne rouge à ne pas franchir est le respect des préférences collectives. En ce qui concerne les produits les plus sensibles, qu'il s'agisse de la décontamination chimique des viandes ou des OGM, la législation européenne ne sera pas modifiée, pas davantage que ne sera remis en question le droit à réguler des États et leur faculté de renforcer leur législation interne, autre ligne rouge fondamentale dans ces négociations.

Enfin, la France, suivie en cela par l'Union européenne, entend rendre les normes sociales et environnementales aussi contraignantes que les dispositions commerciales. Elles devront donc être soumises au mécanisme de règlement des différends, c'est-à-dire à la Cour de justice qui doit remplacer l'ISDS.

Cela étant dit, négocier avec les États-Unis est difficile. En matière de coopération réglementaire, le déséquilibre reste important entre les Européens et les Américains, qui ne reconnaissent pas le principe de précaution mais sont favorables au mécanisme de la preuve scientifique.

Les problématiques que je viens d'évoquer correspondent aux positions qu'ont constamment défendues l'Union européenne et la France, y compris face à d'autres blocs régionaux. Cette constance est essentielle si l'on veut pouvoir peser sur les normes internationales de demain. Rien ne serait pire en effet que des enceintes multilatérales d'où nous serions absents, sans pouvoir participer à l'élaboration de ces normes.

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