Intervention de Johan Tyszler

Réunion du 4 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires européennes

Johan Tyszler, membre de l'Association internationale des techniciens, experts et chercheurs, AITEC :

Membre de l'ONG AITEC, je représente ici, plus largement, le collectif Stop TAFTA, qui regroupe soixante-quinze organisations – associations, ONG et syndicats – de la société civile. Depuis deux ans et demi, nous nous efforçons de percer l'extrême opacité qui entoure les accords transatlantiques pour en révéler les conséquences sur la démocratie, la santé et nos normes environnementales. Car il y a en réalité deux accords transatlantiques, puisque le 29 février dernier a été publié le texte final de l'Accord économique et commercial global (CETA) négocié avec le Canada, qui devrait être ratifié à l'automne. Il y a donc urgence à ouvrir un débat public et démocratique.

Ces deux traités transatlantiques sont indissociables, puisqu'ils s'organisent autour des mêmes mécanismes néfastes et que l'accord avec le Canada ne respecte pas les lignes rouges, pourtant rappelées par le Gouvernement récemment. Nous les considérons donc incompatibles avec l'accord de Paris, signé en décembre, dont l'un des objectifs et de contenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 à 2 degrés.

La communauté scientifique est unanime sur le fait que, pour contenir le réchauffement climatique en dessous de ces 2 degrés, il faut laisser dans le sol au moins 80 % de nos réserves en énergies fossiles. Or le CETA, en baissant les droits de douane et en favorisant l'investissement transatlantique, entérine la libéralisation du commerce des hydrocarbures issus des sables bitumeux d'Alberta qui comptent parmi les énergies fossiles les plus polluantes.

De même, comme le révèlent les documents dévoilés par Greenpeace, l'Union européenne aimerait favoriser, avec le TAFTA, l'importation de pétrole brut mais aussi de gaz naturel liquéfié (GNL), en abaissant les restrictions à l'export des États-Unis. Or, comme les sables bitumeux, il s'agit d'une des énergies les plus polluantes. Par ailleurs, les investissements nécessaires au transport, à la liquéfaction et à la regazification du GNL vont capter une part des moyens financiers qui auraient pu être consacrés à la transition énergétique et écologique, au lieu d'être utilisés à alimenter, dans une logique extractiviste, la production et la consommation des énergies les plus carbonées.

Sur deux autres points, le CETA et le TAFTA sont en totale contradiction avec les objectifs de limitation des gaz à effet de serre et l'accord de Paris, d'une part la coopération réglementaire, d'autre part l'ISDS.

En ce qui concerne l'arbitrage, on assiste depuis les années quatre-vingt-dix à une explosion du nombre de contentieux, le record ayant été atteint en 2015 avec soixante-dix nouvelles affaires enregistrées. Selon le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), 50 % d'entre elles sont liées à des questions environnementales, taux qui monte à 60 % pour l'Union européenne. Parmi ces affaires, j'évoquerai les plus emblématiques : Vattenfall I contre l'Allemagne en 2009, l'entreprise suédoise demandant à l'Allemagne une compensation de 4,1 milliards de dollars en contrepartie des contraintes environnementales imposées aux centrales à charbon ; Vattenfall II contre l'Allemagne, en 2012, cette même entreprise réclamant cette fois-ci une compensation de 4,7 milliards de dollars suite à la décision allemande de se retirer progressivement de l'atome ; Lone Pine Resources contre le Canada, l'entreprise ayant créé une société boîte aux lettres dans le Delaware pour pouvoir porter plainte contre le Canada suite à la décision du Québec d'interdire la fracturation hydraulique ; plus récemment enfin, TransCanada contre les États-Unis, l'entreprise canadienne demandant 15 milliards de dollars de compensation, suite au rejet par le président Barack Obama du projet d'extension de son pipeline, dans lequel pourtant elle n'avait investi que 2,4 milliards de dollars mais pour lequel elle intégrait dans le préjudice la perte sur les profits escomptés. Or, selon un rapport publié par plusieurs organisations européennes, les dispositions concernant le droit des investisseurs telles qu'envisagées dans la réforme de l'ISDS incluse dans le TAFTA seront semblables à celles du CETA et offriront à ces investisseurs les mêmes capacités de recours contre les Etats.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion