Intervention de Jean-David Abel

Réunion du 4 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires européennes

Jean-David Abel, membre de France Nature Environnement, membre du CESE :

Votre invitation montre que la société civile n'est pas la seule à s'inquiéter de ce qui est en train de se négocier dans le cadre du TTIP et que nombre de parlementaires s'interrogent.

Si France Nature Environnement, fédération généraliste qui intervient dans le domaine de l'environnement et de la protection de la nature, s'intéresse de près au TAFTA, c'est que les dispositions qu'il contient ont ou auront des incidences sur les politiques publiques qui concernent l'environnement ou l'énergie.

En vérité, il est beaucoup moins question, dans cet accord, d'économie et de commerce – les barrières douanières qui s'établissent en moyenne autour de 5 % ne sont plus vraiment au coeur du débat avec les États-Unis –, que des normes visant à encadrer et à réguler le marché. Ces dernières constituent pour les pays européens de vieille culture démocratique des acquis, consolidés dans les traités. Elles n'ont pas vocation à entraver le commerce et les échanges mais à offrir des garanties environnementales, sanitaires et sociales.

Or les négociations actuelles reposent sur un double axiome, d'une part le fait que la maximisation des échanges est bonne pour l'ensemble des individus, des sociétés, de l'économie mondiale et de la planète – assertion assez peu documentée, en particulier pour ce qui est des impacts de cette maximisation en termes de développement durable ; d'autre part, le fait que, comme l'a exprimé Mme Santos, les normes ne peuvent que faire obstacle à cette maximisation et à cette accélération des échanges. Partant, le mandat de négociation européen, comme les réponses américaines, ne peuvent aboutir qu'à fragiliser non seulement les règles existantes, mais également celles que les États pourraient vouloir appliquer dans le futur.

Les intérêts en jeu nécessitent apparemment que les discussions se tiennent au sein de comités d'experts et de cénacles, dans la plus totale opacité, M. Bourcieu en effet a beau nous expliquer que les députés européens ont accès aux documents, ils ne peuvent en vérité que les consulter sans pouvoir se les approprier comme documents de travail, ce qui n'est pas vraiment un gage de transparence. Vu de l'extérieur du champ politique, depuis la société civile, ce sont des pratiques stupéfiantes, quand bien même nous savons qu'elles existent déjà parmi les instances européennes, au sein desquelles fonctionnent déjà des comités d'experts, fermés à la société civile mais ouverts aux lobbys.

Le phénomène ne fait que s'amplifier dans le cadre des négociations du TAFTA et, quoi qu'en dise M. Bourcieu, le mandat européen révèle la position très velléitaire de l'Europe, qui se borne à parler d'encouragements ou d'incitations, toujours au futur ou au conditionnel. Quant aux documents divulgués par Greenpeace, ils font apparaître que, si l'Europe est déjà peu allante, les États-Unis refusent tout mécanisme qui viendrait contrarier leur logique. Il est donc essentiel que les législateurs que vous êtes prennent conscience de la responsabilité qui est la leur en ce qui concerne les réglementations présentes ou à venir par lesquelles la France et l'Europe souhaiteraient garantir la protection de l'environnement.

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