Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 4 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

Le projet de TTIP me fait penser à l'Arlésienne d'Alphonse Daudet. Tout le monde en parle mais personne ne l'a vu. Les derrières annonces du Gouvernement laissent à penser qu'il manquera au moins l'une des deux parties le jour des fiançailles.

Martial Saddier a évoqué le manque de transparence. Personne n'a vu le projet de TTIP car le texte n'est pas accessible pour le public. Seuls quelques députés européens ont, semble-t-il, eu le droit de le consulter sans pour autant être autorisés à le diffuser. Si l'Union européenne a rendu publiques un certain nombre de ses propositions, ce n'est toujours pas le cas pour les États-Unis. Il est donc difficile de commenter un texte dont on ne connaît pas aujourd'hui les détails.

Pour autant, les enjeux économiques et environnementaux sont a priori colossaux. L'argument majeur en faveur de la signature d'un tel traité réside bien, pour nous, dans l'ouverture aux entreprises européennes d'un marché américain de 120 millions de ménages et de 320 millions d'habitants. Une étude de 2013 du Center for economic policy research, basé à Londres, avance le chiffre de 119 milliards de dollars de gains annuels pour l'Union européenne et de 95 milliards pour les États-Unis. Mme Santos a évoqué les opportunités économiques que ce traité représente sans pour autant nous donner de chiffres. Je ne sais pas si les chiffres que je viens de citer sont réalistes.

Sans remettre en cause ce calcul particulièrement avantageux pour les Européens, je souhaite rappeler que les arguments nous invitant à la prudence sont légion, comme l'ont rappelé M. Tyszler et M. Abel. Mardi dernier, en clôture de la conférence environnementale, le Premier ministre lui-même a ainsi jugé que les négociations sur la santé et l'environnement étaient loin du compte. Le secrétaire d'État au commerce extérieur a également considéré que la possibilité de signer un accord s'éloignait et que la France et l'Union européenne n'étaient pas prêtes à signer, je cite, « n'importe quoi et à n'importe quel prix ». Nos voisins allemands semblent sur la même ligne puisque le ministre de l'économie, Sigmar Gabriel, a déclaré que, sans concessions des États-Unis, cet accord allait échouer.

Mes questions seront donc simples et directes. Elles s'adressent à ceux de nos invités qui connaissent ces négociations de l'intérieur : quel est le calendrier pour les mois à venir ? Quelles normes environnementales moins ambitieuses que les nôtres les États-Unis cherchent-ils à nous imposer ? Au-delà des OGM, poulets au chlore, ou autres boeufs aux hormones qui inonderaient le marché européen, comme on peut le lire ça et là, quel serait l'impact d'un tel traité sur notre réglementation environnementale, et notamment agricole ? La question de la souveraineté des décisions de nos États semble posée. Certains craignent que des grands groupes américains attaquent les législations d'États membres de l'Union européenne devant les juridictions internationales sur la base de ce fameux traité. Qu'en pensez-vous ? Quelles options défendez-vous pour sécuriser juridiquement les aspects les plus sensibles ? Enfin, pouvez-vous nous indiquer à quel moment des négociations les parlementaires français auront accès aux propositions américaines et au projet de traité ? Il serait en effet fâcheux que la représentation nationale se retrouve finalement devant le fait accompli.

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