Intervention de Johan Tyszler

Réunion du 4 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires européennes

Johan Tyszler, membre de l'Association internationale des techniciens, experts et chercheurs, AITEC :

L'opacité autour des négociations reste la règle d'or. La question de la démocratie est posée dès lors que nos préférences collectives sont concernées. La transparence doit être la règle sur tous les textes consolidés, pour les parlementaires mais également pour le public. C'est l'une des propositions récentes de Mathias Fekl. Les comptes rendus des rounds de négociation, diffusés par la Commission européenne, qu'a évoqués M. Bourcieu, ne donnent aucune information. Ils nous apprennent que l'Union européenne et les États-Unis ont négocié. Lorsque vous comparez le compte rendu officiel avec le tactical state of play qui a été publié dans la presse à l'initiative de Greenpeace, la rétention d'information est claire. Le compte rendu est édulcoré et vidé des informations importantes.

Deux solutions sont possibles en matière de normes : l'harmonisation, permettant d'aller vers un mieux-disant, ce que tout le monde espère, d'une part, et la convergence réglementaire d'autre part, qui conduit à accepter les normes de l'autre partie. Il s'avère que les États-Unis campent sur leur position ; ils sont inflexibles sur les normes. On voit mal comment il serait possible de parvenir à une harmonisation par le haut. D'après les rares informations dont nous disposons sur l'issue du treizième round, il semble que les Américains continuent de camper sur leur position en matière de normes sanitaires, sociales et environnementales. Il est clair qu'il n'y aura pas d'harmonisation par le haut.

S'agissant de la sécurité alimentaire, d'une part, les normes alimentaires agricoles sont directement menacées, faute de garantie explicite sur le principe de précaution. La mention du principe qu'a mise en avant M. Bourcieu vaut seulement pour les Européens. Rien ne nous dit que les États-Unis l'accepteront, alors qu'il ne se passe rien après trois ans et treize cycles de négociation. Il faut arrêter de nous mentir !

D'autre part, alors que les protections douanières permettent de préserver le modèle de l'agriculture française et européenne, avec le TAFTA, tous les droits de douane existants seront réduits et des contingents tarifaires seront attribués dans les secteurs les plus protégés et les plus vulnérables – le bétail, le porc, le boeuf. Je vous invite à lire la dernière étude de l'association interprofessionnelle du bétail et des viandes ; il en ressort que les contingents tarifaires accordés aux États-Unis auraient pour conséquence la disparition de 30 000 emplois directs et de 20 000 emplois indirects. Soyons clairs, l'abaissement des barrières douanières et l'affaiblissement des normes représentent une menace directe pour la sécurité alimentaire.

Sur l'ISDS, je reste inflexible, aucune garantie ne nous est donnée. Madame Auroi, je partage votre analyse, les États-Unis n'ont aucun intérêt à modifier les droits accordés aux investisseurs par le biais des ISDS. Nous attendons toujours un retour des États-Unis sur la proposition européenne.

Enfin, aux termes des traités européens, les Parlements nationaux ont leur mot à dire sur les traités mixtes, qui, par définition, relèvent à la fois de la compétence de l'Union européenne et des États membres. Cependant, on oublie un élément essentiel : la clause d'application provisoire de ces traités, y compris le CETA. Celle-ci signifie que, malgré la reconnaissance de la mixité par la plupart des États membres, dès que le Conseil européen aura donné son aval, toutes les clauses du TAFTA qui relèvent de la compétence de l'Union européenne – environ 80 à 90 % des clauses mais surtout toutes celles qui sont décriées : agriculture, normes, ISDS, coopération réglementaire –, pourront juridiquement être mises en oeuvre provisoirement, même si politiquement, il faut attendre un accord du Parlement européen. Alors que les Parlements nationaux commencent enfin, et c'est heureux, à débattre de cet accord et à s'inquiéter de ses dangers, avec cette clause, on leur refuse de donner leur avis.

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