Intervention de Jean-David Abel

Réunion du 4 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires européennes

Jean-David Abel, membre de France Nature Environnement, membre du CESE :

Sur les questions agricoles, le CETA pose les mêmes problèmes que ceux que vous avez soulignés pour le TTIP.

Certains d'entre vous ont évoqué l'accord de Paris. La situation est un peu extravagante : les accords signés semblent être en caoutchouc, c'est-à-dire vidés de tout contenu. L'accord de Paris emporte des conséquences très précises en termes de politiques publiques, sur les énergies fossiles et les énergies renouvelables notamment. Il n'est pas compatible avec le projet de TTIP, ni même avec le mandat de négociation. Ainsi, l'appui public à certaines filières, consécutif à l'accord de Paris, est-il remis en cause par le projet de traité. D'un côté, on réussit, sous la pression de la communauté scientifique et de la société civile, à prendre des engagements forts pour progresser dans la voie du développement durable. De l'autre, au nom de logiques de court terme, on négocie d'autres traités qui empêchent les États de mettre en application ces engagements. L'Europe et les États membres doivent sortir de cette schizophrénie mortifère.

Je note une autre contradiction : le TTIP est gouverné par la logique du libre-échange, la volonté d'accroître les échanges et d'offrir de nouvelles opportunités, aux grands groupes bien plus qu'aux agriculteurs et aux PME. Cette logique de la compétitivité externe s'oppose à celle du développement durable qui prend en compte les impacts sociaux et environnementaux, et, pour ce faire, s'appuie sur la régulation. J'ai entendu Mme Santos dire que pour conclure un accord, il faut faire des compromis. Cela signifie que les normes européennes seront nécessairement remises en question demain dans un accord avec les États-Unis.

Les États-Unis ne signeront pas un traité qui ne comprendrait pas d'accord sur les tribunaux d'arbitrage et ne comporterait aucun abaissement des normes réglementaires, ni aucune ambiguïté sur les droits des États à légiférer dans le futur. C'est ce que nous apprend la fuite organisée par Greenpeace dans la presse : sur tous les sujets, notamment sur la question de l'harmonisation des normes, on ne constate aucune avancée. Nous demandons donc à nos États, à vous les représentants des citoyens et à l'Union européenne – cela n'a pas été fait lors de la tournée de Barack Obama – de dire « stop ou encore ». Peut-être le Gouvernement français doit-il en prendre l'initiative. M. Marial Saddier a suggéré d'arrêter ou de suspendre les négociations. Cela nous semble absolument nécessaire à la fois sur les questions de fond et de forme.

M. Bourcieu vante la disponibilité des documents de la négociation, je suis heureux de cette initiative de la Commissaire européenne mais il a fallu batailler pendant des années et recueillir trois millions de signatures pour y parvenir. En outre, la fuite des documents dans la presse nous a permis d'apprendre des choses que nous ne savions pas, contrairement à ce que prétend la Commission. Celle-ci conteste avec beaucoup d'aplomb la rétention d'informations mais nous voyons bien ce qui se passe depuis trois ans.

Nous disons à nos gouvernements et à nos représentants qu'il est temps de sortir de la schizophrénie. Les accords en matière d'environnement ne doivent pas seulement être mentionnés, ils doivent être repris dans le traité pour garantir leur opposabilité. Sinon, dans cinq ans, M. Philippe Plisson s'interrogera toujours sur la dichotomie entre développement durable et commerce. Les gouvernements doivent faire savoir à l'Union européenne qu'il n'est pas possible de négocier dans le mou en matière de développement durable et dans le dur en matière d'économie. Il faut poser la question aux États-Unis : que voulez-vous ? Il est un point qui n'apparaît pas dans les documents mis à disposition par la Commission européenne mais qui est très clair dans les documents diffusés par Greenpeace : les États-Unis renvoient toujours aux accords avec le Canada ou avec le Pacifique pour signifier qu'ils n'entendent pas aller plus loin. À un moment, il faut sortir du bois et dire ce qu'on veut et ce qu'on fait.

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