Mesdames, messieurs les députés, la Fondation Brigitte Bardot a été créée en 1986, il y a trente ans cette année. Cependant, l'action de sa présidente remonte à une date bien antérieure puisque, dès 1962, elle a obtenu que soit pratiqué un étourdissement des bêtes avant leur abattage. Notre fondation, apolitique et reconnue d'utilité publique depuis 1992, est placée sous la tutelle des trois ministères de l'écologie, de l'agriculture et de l'intérieur, représentés au sein de notre conseil d'administration. Nos financements proviennent de donateurs privés et nous ne percevons pas de subventions publiques.
Nos actions visent à la fois les animaux sauvages et domestiques, en France et dans le monde entier. Nous sommes particulièrement présents sur le terrain aux côtés des services vétérinaires lors des saisies de cheptels laissés à l'abandon et lors des liquidations judiciaires. Nous intervenons également sur les sites d'abattage clandestins, notamment lors de l'Aïd el-Kebir. En décembre 2013, nous sommes intervenus avec les forces de l'ordre pour démanteler un abattoir illégal à La Courneuve, qui alimentait les restaurants asiatiques de Paris dans des conditions inimaginables ; en cette occasion, nous avons saisi plus de 300 animaux. Notre fondation accueille actuellement plus de 3 500 animaux saisis lors d'opérations de ce type. Il s'agit essentiellement d'animaux de ferme – plus de 650 bovins, autant d'équidés, plus de 500 moutons, 200 chèvres et une centaine de cochons – auxquels s'ajoutent, bien sûr, quantité de chiens et de chats.
Si la question de l'abattage fait souvent débat, elle ne doit pas pour autant nous faire oublier celle du transport, lors duquel les animaux sont soumis à un stress intense qui rend plus difficile leur manipulation jusqu'au poste d'abattage. Dans certaines situations extrêmes, les animaux arrivent à destination dans un état de souffrance épouvantable, qui justifie en principe qu'ils soient pris en charge et abattus en urgence. Or, c'est souvent l'inverse qui se passe : on fait passer sur la chaîne d'abattage tous les animaux manipulables et propres, tandis que les animaux blessés durant le transport, qui ont souvent été piétinés par les autres animaux, sont abandonnés dans un coin en attendant leur tour. En octobre 2015, nous avons porté plainte contre l'abattoir Sélection Viande Distribution, situé près de Vannes, où un bovin déchargé le samedi avec une fracture du bassin a souffert durant quarante-huit heures avant d'être enfin abattu le lundi suivant. Cette histoire soulève la question des contrôles, car on ne s'explique pas comment un inspecteur vétérinaire, en principe présent sur les lieux, a pu passer à plusieurs reprises devant un animal à l'agonie sans juger nécessaire d'intervenir.
La présence d'un responsable du bien-être des animaux a été rendue obligatoire dans les abattoirs à compter du 1er janvier 2013 par application d'un règlement européen. Cependant, rien ne garantit ni les compétences ni l'indépendance de cette personne : il peut même s'agir du responsable de l'abattoir, comme c'est le cas au Vigan, dans le Gard. Nous avons demandé à plusieurs reprises à Stéphane Le Foll de renforcer les équipes vétérinaires qui, actuellement, contrôlent davantage les carcasses que les conditions de mise à mort des animaux. Il a répondu publiquement le 5 avril dernier, lors de la réunion exceptionnelle du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV), qu'il ne disposait pas des moyens financiers nécessaires pour mettre en oeuvre ces contrôles supplémentaires. Cette réponse ne saurait nous satisfaire, car elle va à l'encontre de l'arrêté du 12 décembre 1997 qui dispose que, dans les abattoirs, les conditions d'immobilisation, d'étourdissement, d'abattage et de mise à mort des animaux sont placées sous la surveillance continue des agents du service d'inspection, qui s'assurent notamment de l'absence de défectuosité des matériels utilisés et de l'utilisation conforme de ces matériels. Sur ce point, je rappelle ce qui s'est passé à l'abattoir de Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées-Atlantiques, où une vidéo a montré un employé obligé d'assommer un agneau en lui assenant des coups de crochet, le système d'étourdissement n'étant pas fonctionnel : un problème matériel comme celui-ci aurait dû être détecté avant la mise en oeuvre de la chaîne d'abattage.
Depuis plusieurs années, nous réclamons la mise en place de caméras de surveillance dans tous les abattoirs, en particulier sur les postes sensibles, de la manipulation à la mise à mort des animaux. Cela nous paraît important pour trois raisons. Premièrement, le rôle de prévention d'une telle mesure : se sachant observé ou contrôlé, le personnel va réfléchir à deux fois avant de commettre un acte répréhensible. Deuxièmement, les vidéos enregistrées par les caméras pourront servir à des actions de formation continue, lors desquelles seront identifiées les pratiques posant problème, pour le bien-être animal mais aussi pour le personnel, car le taux d'accidents du travail des employés d'abattoirs est très supérieur à celui de la moyenne nationale : la prise en considération des bonnes pratiques dans le cadre du droit du travail constituerait une grande avancée. Troisièmement, enfin, les images enregistrées par les caméras pourront constituer des preuves des actes répréhensibles pouvant avoir été commis par les employés.
Indépendamment de toutes les mesures de contrôle et de formation qui pourraient être mises en oeuvre, reste un problème essentiel, celui de l'abattage sans étourdissement préalable : dans le cadre de l'abattage rituel, l'animal n'est pas étourdi et l'égorgement à vif entraîne une souffrance, mise en évidence par de nombreuses études scientifiques, et que nous jugeons inacceptable et même injustifiable. J'accompagnais Brigitte Bardot lorsqu'elle a été reçue par le recteur Dalil Boubakeur à la Grande Mosquée de Paris en 2004, puis par Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, en 2005, enfin par le même, Président de la République, en 2007. Nous sommes ressortis confiants de chacune de ces réunions, constatant qu'il ne semblait y avoir aucune opposition réelle à la mise en place de l'étourdissement préalable. La charte de la mosquée d'Évry mentionne explicitement que l'étourdissement, dès lors qu'il est réversible, est accepté. Or, la réversibilité de l'étourdissement des ovins a été confirmée par l'Académie vétérinaire de France en 2006, dans un rapport remis aux ministères de l'agriculture et de l'intérieur. Pour ce qui est des bovins, j'ai moi-même assisté à des reprises de conscience dans des pièges de contention électrifiés utilisés dans de nombreux pays, mais pas encore en France.
En résumé, dès lors que le culte n'est pas opposé par principe à l'étourdissement réversible, et qu'il existe des méthodes fiables pour le mettre en oeuvre, on ne voit pas pourquoi on devrait continuer à s'acharner à égorger des animaux conscients, dans la souffrance. L'étourdissement des bêtes en toutes circonstances est donc l'une de nos deux principales demandes, avec celle consistant en l'installation de caméras de surveillance.