L'association Welfarm a été fondée en 1994 et compte 40 000 membres et donateurs, dont 25 000 membres actifs. Sa mission est reconnue d'utilité publique. Elle emploie 23 salariées ayant une certaine expertise, notamment dans le domaine de l'éthologie. Ses principales missions consistent à oeuvrer pour obtenir de nouvelles réglementations pour le bien-être des animaux d'élevage, mais aussi pour que ces réglementations soient bien appliquées.
En matière de transport des animaux, nous avons édité une brochure présentant la réglementation destinée à protéger les animaux en cours de transport, qui a été distribuée à toutes les gendarmeries de France ; par ailleurs, nous formons régulièrement les gendarmes à cette réglementation, au sein des escadrons de sécurité routière.
Nous oeuvrons également à la valorisation des bonnes pratiques et des initiatives des éleveurs, de l'industrie agroalimentaire et de la distribution, qui visent à une meilleure protection des animaux d'élevage. Nous menons une action éducative auprès des plus jeunes, mais aussi des ingénieurs agronomes. Enfin, nous exploitons une ferme éducative de 44 hectares dans la Meuse.
Nous avons constaté que les vidéos diffusées par l'association L214 Ethique et Animaux mettaient en évidence des problématiques de quatre ordres, pouvant être liées aux aménagements inappropriés pour la conduite des animaux ; aux dysfonctionnements des matériels utilisés pour la mise à mort des animaux ; au comportement de certains employés ; enfin, à des défaillances dans le processus de contrôle du respect de la réglementation. Les vidéos ont également mis en évidence le fait que certains procédés d'étourdissement ne sont pas efficaces, et montré que la pertinence de certains signes indicateurs de perte de conscience fait débat.
Nous considérons que, lorsqu'on s'intéresse au bien-être de l'animal en abattoir, il faut partir du point de vue de l'animal, qui a sa propre perception de l'environnement, bien différente de la nôtre. Je rappelle que tous les animaux d'élevage descendent d'animaux sauvages : ainsi la vache descend-elle de l'aurochs. Pour que la conduite des animaux au sein des abattoirs se fasse dans les meilleures conditions, il convient de faire appel à des notions d'éthologie. En quittant la ferme où il a été élevé pour partir à l'abattoir, l'animal quitte un lieu familier pour se retrouver dans un milieu inconnu, donc stressant.
Lors des trois étapes constituant le parcours de l'animal à l'abattoir – l'arrivée et l'attente en bouverie, la conduite des animaux au poste d'abattage et le processus d'abattage proprement dit, il importe de faire en sorte que l'animal soit le moins stressé possible. Lorsque les animaux arrivent, l'idéal est que les quais de déchargement permettent d'abaisser l'arrière du camion et de laisser la rampe à plat, car le fait de devoir passer par une rampe trop pentue provoque souvent des accidents. Lors de la phase d'attente, il faut éviter de mélanger différents lots d'animaux, car cela peut créer des interactions agressives ; il faut aussi que les animaux puissent se coucher tous en même temps ; pour les porcs, qui ne transpirent pas et régulent donc difficilement leur température, il est bon de prévoir des brumisateurs afin d'éviter qu'ils soient victimes de coups de chaleur. Lors de la manipulation, les contacts directs avec les animaux doivent être évités, car un opérateur ayant peur de l'animal peut être amené à avoir des gestes violents en voulant se protéger : pour cela, il est intéressant de prévoir deux couloirs distincts, l'un réservé à la circulation des animaux et l'autre à celle des opérateurs.
À l'abattoir, trois sens de l'animal se trouvent particulièrement en éveil : l'ouïe, l'odorat et la vue. Pour ce qui est de l'ouïe, l'animal est stressé par les sons forts et aigus : on atténuera donc les claquements de barrières métalliques en garnissant celles-ci de tampons de caoutchouc, et on évitera de crier. Pour ce qui est de l'odorat, les animaux stressés dégagent des phéromones, qui stressent à leur tour les autres animaux. En France, l'Institut de recherche en sémiochimie et éthologie appliquée (IRSEA) commercialise des phéromones apaisantes ; il m'a été précisé que ces substances, régulièrement utilisées dans les élevages et les transports, n'avaient jamais été mises en oeuvre dans les abattoirs, mais sans doute y a-t-il là une piste à explorer. Enfin, pour ce qui est de la vue, il faut savoir que les animaux ont peur des impasses et des angles droits : les couloirs incurvés permettent de résoudre cette difficulté, car l'animal qui s'y trouve suit celui qui est devant lui sans être stressé par ce qu'il pourrait voir plus loin. Par ailleurs, il est conseillé d'éclairer le poste d'abattage, car les animaux ont tendance à se diriger instinctivement vers l'endroit le plus éclairé.
Dans le poste d'abattage, l'un des points importants est la contention. Dans l'une des vidéos de L214, l'absence de mentonnière est à l'origine des difficultés que rencontre l'abatteur à étourdir l'animal. La mentonnière ne sera obligatoire qu'à partir de 2019 mais, dans l'intérêt du bien-être animal, il serait bon que la France devance cette échéance. Il arrive aussi que les appareils électriques se dérèglent, délivrant trop ou pas assez de puissance. Le temps d'imposition de la pince doit être suffisant et la puissance du courant doit être adaptée. J'ai visité récemment un abattoir de lapins en Belgique, où le directeur avait installé des témoins lumineux rouges et verts indiquant à l'opérateur à quel moment il pouvait cesser d'appliquer le courant électrique à chaque lapin : un tel dispositif est très intéressant, car la cadence élevée d'abattage peut faire perdre la notion du temps aux abatteurs.
En matière d'étourdissement, le doute doit toujours bénéficier à l'animal, auquel doit être appliqué un deuxième choc électrique si le premier s'est révélé inefficace – après, bien sûr, avoir recherché les causes de ce premier échec. Jusque dans les années 1990, le matériel destiné à étourdir et abattre les animaux faisait l'objet d'un agrément délivré par le ministère de l'agriculture ; nous regrettons que cette mesure ait été supprimée et nous souhaitons qu'elle soit remise en vigueur.