Nous sommes en quelque sorte un « Petit Poucet » associatif, puisque l'AFAAD a été créée par moi-même en juillet dernier. Constatant, en tant que citoyenne et consommatrice, que l'on parlait assez peu des abattoirs et des conditions d'abattage en France, le sujet n'étant évoqué qu'au moment de la fête de l'Aïd et des abattages sans étourdissements auxquels elle donne lieu. M'interrogeant sur la question globale du bien-être animal, j'avais des difficultés à trouver des réponses accessibles au grand public. Aujourd'hui, l'AFAAD est avant tout une association de consommateurs et de citoyens, qui ne dispose d'aucune expertise particulière dans le domaine vétérinaire, et oeuvre à l'amélioration des conditions d'abattage en essayant d'aborder les problématiques sous un angle différent pour faire émerger de nouvelles solutions.
Notre association travaille avec l'ensemble des acteurs de la filière de l'abattage, à savoir les éleveurs, les artisans bouchers, les inspecteurs vétérinaires en abattoirs : nous avons ainsi constitué un petit réseau de professionnels qui nous font part de leur expertise et nous suggèrent des améliorations qui pourraient être mises en place. Nous sommes également en relation avec des chercheurs à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et des éthologues, et travaillons dans une logique de co-construction de solutions afin de trouver des alternatives dans le cadre de l'échange et du dialogue.
Nos principales missions consistent en des actions de sensibilisation auprès du grand public sur ce que sont l'abattage et les abattoirs, en mettant l'accent sur ce qui fonctionne mal et ce qui pourrait être amélioré. Nous sommes également très attachés au droit des consommateurs à connaître la méthode d'abattage. Nous travaillons sur le terrain avec des bénévoles, qui vont parler des abattoirs, et avons commencé à structurer notre action en la répartissant entre des pôles régionaux. Par ailleurs, nous collectons de nombreux témoignages, provenant notamment d'éleveurs ou d'artisans bouchers, que nous diffusons sur notre site web.
L'AFAAD souhaite la mise en place d'un étourdissement systématique de tous les animaux et, d'une manière générale, la prise en compte du bien-être animal. Faute d'une évolution réglementaire en France, nous demandons expressément que le soulagement obligatoire post-jugulation de l'animal puisse être assuré dans les secondes qui suivent l'égorgement – c'est ce que l'on appelle un étourdissement de soulagement, pratiqué afin de ne pas laisser un bovin agoniser durant de longues minutes avec la gorge tranchée. Nous souhaitons également que l'électronarcose réversible soit développée et pratiquée en bonne entente avec les autorités concernées.
S'agissant des contrôles dans les abattoirs, nous sommes pour la mise en place d'une vidéosurveillance systématique aux postes d'abattage, qui nous semble une solution intéressante au manque d'effectifs en inspecteurs vétérinaires. Nous soutenons également la proposition consistant à permettre aux éleveurs d'accéder aux abattoirs. Il s'agit là d'une demande de plus en plus forte de la part des éleveurs, qui regrettent de ne pouvoir assister à la mort de leurs animaux s'ils le souhaitent. Nous suggérons donc qu'un contrat soit mis en place entre les responsables d'abattoirs et les éleveurs, garantissant à ces derniers au moins trois visites inopinées par an lorsque la chaîne d'abattage est en fonctionnement.
Un volet pratique doit absolument être ajouté à la formation, uniquement théorique pour l'instant, dispensée aux opérateurs d'abattage. Des sanctions dissuasives et effectives doivent être mises en oeuvre.
Une autre disposition qui nous tient à coeur consisterait en la création de comités d'éthique au sein des abattoirs. Ce n'est pas nous qui l'avons imaginée, mais M. Laurent Lasne, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNSPV), qui sera auditionné prochainement par votre commission. Des comités d'éthique statuent déjà dans le cadre des expérimentations animales. Ils rassemblent des membres de la société civile, pouvant garantir un regard totalement extérieur et sans a priori sur une activité sensible et constituant une sorte de garde-fou. En ce qui concerne l'abattage, on peut imaginer que les comités associent les responsables d'abattoirs, les services officiels d'inspection vétérinaire, des représentants des éleveurs, des associations de protection animale et des élus locaux. Cela permettrait d'augmenter la visibilité et de mettre en oeuvre un travail commun pour l'amélioration des bonnes pratiques.
Nous sommes favorables au développement des abattoirs mobiles et de l'abattage à la ferme. C'est l'un des premiers dossiers que nous ayons ouverts en intégrant un collectif pluridisciplinaire créé l'année dernière et piloté par Mme Jocelyne Porcher, de l'INRA, dans le cadre de la recherche d'actions innovantes. D'autres associations de protection animale viennent de rejoindre ce collectif, ce dont nous nous félicitons. Nous sommes actuellement en train de structurer un cahier des charges très détaillé et menons un important travail de benchmarking au niveau des pays européens, afin de promouvoir les bonnes pratiques mises en oeuvre à l'étranger – de ce point de vue, l'exemple suédois semble très intéressant. Cela permet de pallier la baisse du nombre d'abattoirs, notamment en raison de la fermeture d'abattoirs de proximité, de réduire le transport à zéro pour les animaux vivants, d'éviter que les animaux ne soient manipulés par des inconnus et de répondre à la demande morale des éleveurs souhaitant accompagner leurs animaux jusque dans la mort.
Nous plaidons en faveur d'un étiquetage indiquant systématiquement la méthode d'abattage employée, assurant une plus grande transparence et un accès plus facile à toutes les informations administratives de nature à nous permettre d'établir un benchmark des abattoirs selon des critères de bientraitance animale, comme cela se fait pour l'aspect sanitaire – sur ce point, ils sont classés de 1 à 3. Pour cela, il serait intéressant d'obtenir des statistiques sur le pourcentage d'étourdissements réussis du premier coup, la fréquence des réunions dédiées à la protection animale au sein des établissements, le pourcentage de chute des animaux, ou encore le temps d'attente moyen des animaux en bouverie. Le fait de disposer d'un classement établi sur la base de ces informations constituerait une avancée pour les consommateurs, qui pourraient acheter leur viande en toute connaissance de cause.