Intervention de Ghislain Zuccolo

Réunion du 11 mai 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Ghislain Zuccolo, directeur général de l'association WelfarmProtection mondiale des animaux de ferme :

Je vous ai apporté une brochure qui dresse la liste de tous les organismes certificateurs de la viande halal, en distinguant ceux qui acceptent l'étourdissement par choc électrique de ceux qui ne l'acceptent pas. Je suis tenté de dire que ceux qui acceptent l'étourdissement par choc électrique sont pénalisés, car les autres ont beau jeu de prétendre pratiquer le « vrai halal ». Il serait bon que les pouvoirs publics reprennent la main, en soutenant ceux qui font une lecture moderne des textes religieux.

Pour avoir vu des centaines de moutons se faire égorger à l'occasion de l'Aïd el-Kebir, je peux vous dire que si un abattage avec étourdissement se déroule généralement dans des conditions correctes, l'abattage rituel est, lui, tout à fait inacceptable, et je ne peux comprendre comment certaines personnes, parfois même des vétérinaires, se permettent d'affirmer que l'animal ne souffre pas !

M. Bleunven nous a demandé s'il existait un outil de mesure de la perception des pratiques d'abattage par la population. L'Union européenne a publié récemment un sondage Eurobaromètre portant sur la sensibilité des citoyens européens au bien-être animal, dont il ressort que les consommateurs y sont très sensibles – l'évolution des sondages effectués sur cette question montre que c'est de plus en plus le cas.

Nous sommes favorables à la vidéosurveillance, qui peut être un outil de contrôle, mais aussi de formation. À l'instar de ce qui se fait lors des stages d'entraînement à la prise de parole en public, par exemple, les images prises par les caméras peuvent être analysées par les personnes directement concernées, qui prennent ainsi plus facilement conscience des gestes à faire ou à éviter. Il conviendra simplement de définir certains aspects pratiques, notamment le temps durant lequel les images peuvent être conservées, ou qui peut y avoir accès.

Je pense que les abattoirs de grande taille ont peut-être plus de facilité à veiller au bien-être animal, dans la mesure où ils sont dotés d'un directeur « qualité » à plein temps et, parfois, d'un responsable uniquement chargé de la question du bien-être animal. Par ailleurs, les abattoirs de grande taille ont souvent de gros clients, qui ont des exigences particulières en matière de qualité. Le groupe Carrefour, avec lequel nous travaillons, fait auditer les abattoirs qui fournissent de la viande à sa filière Qualité Carrefour par un organisme certificateur, qui vérifie notamment que la réglementation relative au bien-être des animaux au moment de l'abattage est bien respectée.

Si la problématique de l'abattage n'a pas rejoint plus tôt la sphère publique, c'est parce qu'il est bien difficile aux associations de faire entendre leur voix sur ce point – nous sommes bien placés pour le dire, nous qui nous efforçons depuis vingt ans de dénoncer la situation. Force est de constater qu'il faut recourir à des caméras cachées et faire un scandale pour que les pouvoirs publics s'emparent enfin du dossier. Je sais que les éleveurs et les abatteurs s'indignent de ces pratiques et je les comprends – pour notre part, nous préférons nous en tenir au dialogue et à la coopération avec les organisations professionnelles –, mais il faut bien que les choses avancent. Le fait que cette commission d'enquête existe, et que cette table ronde soit organisée aujourd'hui, nous rassure quant à l'intérêt que portent les élus au bien-être animal.

Il est fort probable que, plus les cadences sont élevées, plus le bien-être animal s'en ressent. Ces cadences ne doivent pas constituer une variable d'ajustement dont les animaux font les frais : en d'autres termes, peut-être faudrait-il fixer des cadences au niveau européen, interdire par exemple que l'on abatte plus d'un certain nombre d'animaux à l'heure.

Pour ce qui est de l'abattage à la ferme, je crois qu'il est toléré pour certaines espèces dans le cadre de la consommation familiale. En principe, il est interdit de transporter un animal qui serait incapable de se déplacer par lui-même, ce qui nécessite de l'abattre à la ferme : c'est ce que l'on a appelé l'abattage « technique ». Pour des raisons sanitaires, les éleveurs doivent en principe recourir aux services d'un vétérinaire pour ce type d'abattage, mais chacun sait qu'ils ne le font pas toujours, en raison du coût. Un jour, j'ai reçu le témoignage d'un artisan qui, travaillant dans une ferme, a assisté avec horreur à la mise à mort d'une truie par l'injection d'une dose de pesticide : l'animal a mis trois jours à mourir ! Nous ne sommes pas opposés par principe à l'abattage à la ferme, mais cela ne doit se faire qu'à la condition que l'éleveur ait suivi une formation et dispose du matériel adéquat – par exemple, il n'est pas évident de mettre à mort un porc à la ferme, car cet animal possède une boîte crânienne très résistante, ce qui nécessite un outil et un savoir-faire spécifiques.

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