Je voudrais maintenant dire quelques mots du bilan de l’état d’urgence.
L’état d’urgence, je le rappelle, s’est traduit par 594 suites judiciaires après des perquisitions administratives, 223 pour infraction à la législation sur les armes, 206 pour infraction à la législation sur les stupéfiants. En outre, 28 informations judiciaires ont été ouvertes, 67 peines ont été prononcées à l’issue de ces procédures, et 56 personnes ont été placées en détention, soit des résultats particulièrement significatifs.
L’efficacité des mesures que nous avons prises va bien au-delà du bilan chiffré et des suites judiciaires. En effet, elles participent d’une stratégie cohérente et accélérée de détection et de déstabilisation des filières terroristes qui opèrent dans notre pays ou bien qui recrutent et acheminent des combattants vers les zones de conflit au Moyen-Orient. Nous avons ainsi pu empêcher ou retarder des projets de départ vers les théâtres d’opérations djihadistes, limiter les contacts entre les individus signalés comme appartenant à des groupes terroristes ou encore entraver des actions de soutien à ces mêmes groupes. Depuis 2013, pas moins de douze attentats ont été déjoués, dont sept depuis janvier 2015.
Je veux par conséquent saluer le travail réalisé par les services de renseignement, notamment la Direction générale de la sécurité intérieure, qui est saisie en propre ou avec la police judiciaire du suivi de 261 dossiers judiciaires concernant 1 157 individus pour leur implication dans des activités liées au terrorisme djihadiste. Parmi eux, 353 ont d’ores et déjà été interpellés, 13 font l’objet d’un mandat d’arrêt international, 223 ont été mis en examen, 171 ont été écroués et 52 font l’objet d’un contrôle judiciaire.
Ces chiffres montrent bien à quel point l’action quotidienne des services, sous l’autorité de la justice, porte ses fruits, permettant ainsi d’empêcher que des actions violentes et des attentats ne soient commis sur notre sol.
J’en viens à présent à la prorogation de l’état d’urgence et aux raisons pour lesquelles nous le croyons à nouveau absolument nécessaire.
Au cours des derniers mois, plusieurs attentats, qu’ils soient d’ampleur comparable ou bien inférieure à ceux du 13 novembre, ont été commis à l’étranger, visant les intérêts nationaux ou ceux de nos ressortissants. Les groupes djihadistes ont également visé des alliés directs de la France.
Le 22 mars, la Belgique a été frappée par un attentat d’une extrême gravité perpétré à Bruxelles, à l’aéroport de Zaventem et à la station de métro de Maelbeek. Grâce aux investigations menées, nous savons que les terroristes impliqués dans cet attentat appartenaient à la cellule qui a planifié et exécuté les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis. En outre, le parquet fédéral belge a confirmé que les attentats du 22 mars avaient initialement été envisagés et programmés pour la France, avant que les terroristes, pris de cours par les investigations judiciaires menées en Belgique, ne soient contraints de précipiter leur action dans la capitale belge.
Daesh a donc toujours le projet et les capacités de conduire des opérations terroristes d’envergure sur le sol européen, et a d’ailleurs, au mois de décembre dernier, explicitement appelé à cibler un certain nombre de sites.
La menace terroriste demeure donc à un niveau élevé. La France, comme l’Union européenne, représente une cible, en raison du combat résolu qu’elle mène contre les djihadistes au Sahel, en Irak et en Syrie, mais aussi, plus profondément, en raison des principes universels de liberté, de laïcité et d’émancipation qui sont les nôtres depuis plus de deux siècles et qui font horreur aux terroristes djihadistes.
Pour toutes ces raisons, et quelles que soient les précautions que nous prenons, il ne nous est pas permis de nous croire à l’abri, ni de considérer que le péril imminent qui a justifié en novembre dernier la proclamation de l’état d’urgence a disparu.
J’ajoute que, dans les mois qui viennent, les enjeux de sécurité seront particulièrement importants pour des raisons qui tiennent à l’organisation de cette grande manifestation qu’est l’Euro 2016 et d’autres manifestations estivales, qui devront mobiliser toute notre vigilance et faire l’objet de notre part de toutes les précautions.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité que soit maintenu et poursuivi le contrôle aux frontières. C’est la raison pour laquelle nous maintenons le déploiement sur le territoire national de 110 000 policiers, gendarmes et militaires de nos armées dans le cadre de l’opération Sentinelle. C’est la raison pour laquelle a été adoptée la proposition de loi présentée par votre collègue Gilles Savary, qui va permettre à notre pays de se doter de moyens supplémentaires dans la lutte contre l’insécurité dans les transports. C’est la raison pour laquelle nous avons fait adopter le projet de loi de Jean-Jacques Urvoas renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme, son financement, texte qui améliore l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Je veux enfin vous apporter certaines précisions concernant les mesures que nous comptons mobiliser dans le cadre de cette troisième prorogation de l’état d’urgence.
Comme l’autorise la loi du 3 avril 1955, le Gouvernement envisage de ne pas activer, dans ce cadre, l’article 11, qui permet de mettre en oeuvre des perquisitions administratives dans des lieux que l’on pense fréquentés par des individus constituant une menace pour l’ordre et la sécurité publics.
Cette mesure, que nous avons largement utilisée en essayant de jouer sur la stratégie de la sidération après les attentats du 13 novembre, ne présente plus le même intérêt opérationnel, la plupart des lieux identifiés ayant déjà fait l’objet d’investigations poussées. En outre, l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la disposition permettant de réaliser la copie des données informatiques recueillies au cours des perquisitions administratives fait perdre une partie de son utilité à cette mesure.
En revanche, les autres mesures continueront d’être mobilisées pour maintenir les individus assignés à résidence, interdire à ceux qui font l’objet d’une interdiction de sortie du territoire mais qui n’ont pas été assignés à résidence de se trouver à proximité de certains lieux jugés particulièrement sensibles, ou encore établir des périmètres de protection. Ces mesures de maintien de l’ordre public en situation de crise grave seront bien sûr activées si elles se révèlent nécessaires.
Cette nouvelle prorogation de l’état d’urgence, dont nous sollicitons l’approbation par le Parlement, a de nouveau pour objet de concilier la protection de l’ordre et de la sécurité publics, dans le contexte d’une grave menace terroriste, avec ce à quoi nous tenons tous le plus ici, la protection des droits et des libertés garantis par notre Constitution.
Si nous sommes si déterminés sur la sécurité, c’est parce que nous savons qu’elle est la condition de la protection de nos valeurs et de nos principes républicains et démocratiques. C’est pour permettre au Gouvernement d’atteindre ces objectifs que nous proposons la prolongation de l’état d’urgence.
Je veux conclure mon propos en rendant une nouvelle fois un hommage vibrant aux forces de sécurité, qui, avec une énergie considérable et une grande dignité, – je l’ai encore vu hier soir à l’hôpital Bégin où j’ai rendu visite au policier qui avait été agressé – remplissent des missions dans un contexte extrêmement difficile et tendu. J’invite tous les théoriciens des violences policières à regarder les images d’hier,…