Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 19 mai 2016 à 9h30
Prorogation de l'application de la loi relative à l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour proroger, pour la troisième fois consécutive, l’état d’urgence. Le Sénat a adopté, sans modification, le présent projet de loi le 10 mai, et il nous revient, après le vote de la commission des lois le 17 mai, de faire de même. Je ne reviendrai pas sur les causes qui ont présidé à l’instauration de l’état d’urgence, à compter du 14 novembre 2015, prolongée pour trois mois et jusqu’au 25 février, puis de nouveau prolongée pour trois mois jusqu’au 25 mai 2016.

La nouvelle prorogation qu’il nous est demandé d’accepter vaut, cette fois-ci, pour deux mois, jusqu’au 25 juillet 2016.

Lors de l’examen du projet de loi prorogeant, pour la deuxième fois, l’état d’urgence, les députés du groupe Les Républicains avaient proposé de le proroger pour une durée, non de trois mois, mais de six mois ; cela nous aurait évité, selon eux, d’avoir à délibérer à nouveau sur cette question. C’est oublier, mes chers collègues, que le Conseil d’État examine avec soin l’existence d’un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public de nature à justifier une telle prorogation, et que l’existence d’un tel péril ne peut se préjuger pour une durée aussi longue.

Autant l’on peut soutenir qu’une durée de six mois était envisageable lors du vote de la première prorogation, soit à partir du 26 novembre 2015 – c’est d’ailleurs ce que les membres du groupe RRDP avaient proposé, autant, alors que l’état d’urgence s’installait progressivement, fixer une telle durée à partir du 26 février 2016 eût fragilisé ce régime d’exception. Les attentats survenus à Bruxelles le 22 mars 2016, initialement envisagés sur le territoire national, ont évidemment conduit le Gouvernement à demander prudemment cette prorogation.

Le Gouvernement ne souhaitait pas prolonger à outrance le régime de l’état d’urgence. Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, que nous examinerons, dans le texte issu de la commission mixte paritaire, juste après celui-ci, pourrait être définitivement adopté avant le 26 mai 2016, ce qui aurait pu éviter au Gouvernement d’avoir à demander une troisième prorogation de l’état d’urgence. En effet, ce texte renforce très sensiblement l’efficacité des investigations judiciaires : il permet notamment de mener des perquisitions de nuit, il autorise le recours à des dispositifs de captation de données de connexion et de données informatiques, il améliore la lutte contre le trafic d’armes et la cybercriminalité, et renforce considérablement l’enquête et le contrôle administratifs.

Il contient également des dispositions relatives à la sécurisation des grands événements sportifs, en prévoyant la possibilité de restreindre, par décret, l’accès aux abords et dans les stades. Ces dispositions, qui nous intéressent particulièrement, figurent à l’article 20 bis du projet de loi que j’ai mentionné ; je ne m’y étends pas davantage : nous les examinerons plus tard au cours de cette journée.

Je rappelle, en tout état de cause, que le pouvoir exécutif conserve la possibilité de mettre fin à l’état d’urgence de manière anticipée. En ce cas, le Gouvernement sera tenu d’en rendre compte au Parlement. Nous pouvons d’ores et déjà affirmer qu’après que la loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme aura été promulguée et appliquée, il faudra évaluer immédiatement le maintien du régime de l’état d’urgence.

En ce qui concerne cette troisième prorogation, le projet de loi ne mentionne pas la possibilité pour l’autorité administrative de décider des perquisitions administratives, faculté qui nécessite une mention expresse dans le texte. Comme le note le rapporteur du Sénat, Michel Mercier, il apparaît que le Gouvernement s’est interrogé sur la présence de cette disposition, puisque le premier texte soumis pour avis du Conseil d’État contenait cette mention expresse ; le Conseil a ensuite été saisi d’une version rectifiée du texte ne la contenant plus. Il est vrai que du 26 novembre 2015 au 25 février 2016, 3 427 perquisitions administratives ont été effectuées, alors qu’entre le 26 février et le 25 avril 2016, seules 132 perquisitions administratives ont eu lieu.

même si leur intérêt en termes de constatations d’infractions pénales et de déstabilisation des filières terroristes est réel, comme l’a souligné M. le ministre de l’intérieur, mais il s’est estompé, car la décision du Conseil constitutionnel du 19 février 2016, rendue dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, est venue amoindrir la faculté de recueillir des données au cours de telles perquisitions. Le Conseil constitutionnel a en effet censuré les dispositions permettant de copier les données informatiques présentes sur les terminaux se trouvant dans les lieux perquisitionnés, assimilant cette pratique à une saisie. L’intérêt de recourir à de telles perquisitions est désormais bien mince.

Il s’agit donc essentiellement de permettre aux autorités administratives de faire jouer l’article 5 de la loi de 1955 pour interdire la circulation dans certains lieux et pour instituer des périmètres de protection autour de sites sensibles, principalement les stades et les fan zones dans le cadre de l’Euro 2016 et aux abords du circuit du Tour de France. Les millions de spectateurs concernés sont autant de cibles potentielles : il nous revient de tout faire pour les protéger. Nous approuvons donc cette troisième – et a priori ultime – prorogation de l’état d’urgence.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de témoigner, dans le contexte actuel, toute ma gratitude et toute ma reconnaissance aux forces de l’ordre. J’étais présent hier à la manifestation des policiers, pour leur apporter tout mon soutien : je l’assume et je le revendique. La police, la gendarmerie, ne sont le monopole de personne ; au contraire, elles appartiennent à chacune et à chacun d’entre nous. Elles sont les garantes de notre liberté, car la sécurité est la première de nos libertés. Elles nous protègent chaque jour ; elles protègent la République ; elles protègent nos principes démocratiques.

Nous ne sommes pas amnésiques : nous n’oublions pas Charlie, non plus que l’Hyper-Cacher, non plus que le Bataclan.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion