Il vous appartient, monsieur le ministre, de faire appel des décisions des tribunaux administratifs qui seraient contraires à l’intérêt de l’État : chacun doit prendre ses responsabilités, y compris les juges de première instance. Ils doivent en conscience mettre en balance la nécessité du respect des libertés, et les nécessités tout aussi impératives du maintien de l’ordre public. Nous n’avons pas à nous en excuser, même si cela déplaît à tel ou tel professionnel de l’indignation droit-de-l’hommiste. Les Français, dans leur immense majorité, attendent que le pouvoir exerce pleinement le pouvoir.
Dès lors, la question juridique qui nous est posée aujourd’hui est simple à énoncer : faut-il continuer, dans les mois qui viennent, à donner au ministre de l’intérieur, aux préfets et aux forces de l’ordre les pouvoirs de police administrative renforcés qui sont autorisés par l’état d’urgence ? Oui, nous le croyons nécessaire, pour ne priver l’État d’aucun des instruments qui lui permettent de faire face à la menace. Le groupe Les Républicains votera donc la prolongation de l’état d’urgence. Nous tenons néanmoins, à la suite des échanges que nous avons eus en commission, à formuler une interrogation, une demande et une préoccupation.
Nous nous interrogeons toujours, monsieur le ministre, sur le volume des assignations à résidence. Vous nous avez indiqué que seulement 69 personnes en font aujourd’hui l’objet. Personne ne propose que tous les individus fichés pour atteinte à la sûreté de l’État ou pour radicalisation islamiste soient assignés à résidence, pour la simple raison que certains d’entre eux ne se trouvent pas sur le territoire, et que d’autres sont d’ores et déjà incarcérés. Mais personne ne comprend pourquoi 99 % des 12 000 ou 13 000 individus d’ores et déjà fichés ne sont pas assignés à résidence.
Nous vous demandons, plus encore, de maintenir la possibilité de recourir à des perquisitions administratives sous l’empire de l’état d’urgence ; notre groupe présentera un amendement à cette fin. Rien ne justifie que l’État soit privé, monsieur le ministre, de la possibilité d’effectuer ne serait-ce qu’une seule perquisition administrative, par exemple avant un match de l’Euro 2016, dans le cas où un renseignement rendrait nécessaire et absolument urgente une vérification.
La décision du Conseil constitutionnel du 19 février n’a pas privé les perquisitions administratives de toute portée. Je comprends bien qu’elle a annulé la possibilité d’opérer des saisies informatiques administratives, mais elle n’a en rien supprimé l’objet ni les effets des perquisitions. Les perquisitions permettent toujours, par exemple, de saisir des armes, ou de lever des doutes.
Nous ne comprenons pas les motifs qui ont poussé le Gouvernement à renoncer à cette faculté, et non sans y avoir réfléchi et hésité puisque l’avant-projet de loi dont vous aviez saisi le Conseil d’État incluait la possibilité des perquisitions administratives avant qu’une saisine rectificative ne la retire. Je précise, notamment à l’endroit du rapporteur, que l’argument qui a repris selon lequel il y a eu moins de perquisitions administratives en avril qu’en décembre est totalement inopérant en l’espèce puisque ce n’est évidemment pas le volume des perquisitions passées qui importe, mais la possibilité d’éviter tout nouvel attentat : même si une seule perquisition administrative était nécessaire demain, pourquoi s’interdire aujourd’hui cette faculté qui pourrait sauver des vies dans le cadre de la prorogation de l’état d’urgence ?
Je tiens, enfin, à exprimer notre vive préoccupation quant à la sécurisation de ce qu’il est convenu d’appeler les fans zones. Nous avons déjà évoqué cette question ici même lors de l’examen, le 28 avril 2016, de la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme que notre groupe avait proposée et qui a été votée à l’unanimité de l’Assemblée nationale. Nous avions alors soulevé la question, mais celle-ci n’a pas encore obtenu de réponse. En liaison avec un certain nombre d’élus locaux, le Gouvernement a fait le choix de ne pas interdire ces « fans zones ». Mais est-il vraiment raisonnable d’organiser au pied de la Tour Eiffel, sur le Champ de Mars, une « fan zone » de 100 000 personnes tous les soirs pendant un mois ? Poser la question, hélas, c’est déjà y répondre.