Intervention de Yves Goasdoue

Séance en hémicycle du 19 mai 2016 à 9h30
Prorogation de l'application de la loi relative à l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Lorsque l’on inspire comme vous le respect des forces de l’ordre que vous commandez ainsi que, je le vois bien, totalement celui du corps préfectoral, cela signifie que nous avons un ministre de l’intérieur républicain qui, en ces temps troublés, représente à la fois la détermination et l’État de droit.

J’en viens au projet de loi.

J’entends une petite musique laissant entendre que l’état d’urgence ne sert pas à grand-chose… Il faut interrompre cette petite musique en y apportant un démenti catégorique. Il suffit de regarder les chiffres que vous avez donnés et que mon collègue Michel Zumkeller vient de rappeler pour bien comprendre que, sans l’état d’urgence, il est probable que les douze attentats déjoués ne l’auraient pas été, pas plus que les doutes n’auraient été levés grâce des perquisitions administratives ou à des assignations à résidence. Il est en outre certain que les armes d’épaule – y compris de guerre – ou de poing saisies ne l’auraient pas été, pas plus que n’auraient été relevées les trente et une infractions rattachables au terrorisme, dont les auteurs courraient toujours dans la nature – je rappelle que six d’entre elles le sont du chef d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Oui, l’état d’urgence a une efficacité.

Depuis six mois, l’état d’urgence a-t-il été de nature à mettre à mal ne serait-ce qu’une seule de nos libertés fondamentales, collectives ou individuelles, constitutionnellement protégées ? Le contrôle mené par Dominique Raimbourg et Jean-Frédéric Poisson a encore clairement démontré, dans son quatrième point d’étape dont les conclusions sont sans ambiguïtés, qu’il n’en était rien. Par conséquent, l’état d’urgence est utile et ne met nullement en cause lesdites libertés.

Pour autant, il nous faut vérifier, en fait comme en droit, parce que c’est la mission et, je le crois, l’honneur du Parlement, le bien-fondé et l’intérêt de cette prorogation de deux mois. Existe-t-il un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ? Les dispositions de la loi de prorogation sont-elles proportionnées à la menace et strictement nécessaires et, par ailleurs, de nature à conduire à un retour au droit commun ?

Concernant tout d’abord l’existence d’un péril imminent résultant d’atteintes grave à l’ordre public, vous avez démontré, monsieur le ministre, la hauteur de la menace, ce dont personne ne disconvient, même parmi les plus réticents. La France représente encore une cible en raison même de son combat contre le terrorisme. Cette menace risque bien entendu de durer, d’autant plus que s’y ajoutent, et c’est l’objet de cette prorogation, la perspective de l’Euro et du Tour de France.

Je préfère pour ma part les avis précis du Conseil d’État, héritier d’une grande tradition juridique, aux donneurs de leçons, d’où qu’ils viennent. Le Conseil d’État considère clairement que le péril imminent résulte de la hauteur de la menace et de la concomitance de ces deux événements à portée internationale. Qu’on se rende bien compte de la cible : l’Euro doit en effet rassembler 2,5 millions de personnes et de nombreux étrangers ; quant au Tour de France, c’est une manifestation qui fait la France, qui est télévisée. Comment pourrions-nous laisser le pays sans protection à ce moment ?

Les dispositions du projet de loi de prorogation sont-elles proportionnées à la menace et strictement nécessaires ? Sont-elles de nature à conduire à un retour au droit commun ? Oui, elles sont proportionnées. Oui, elles sont nécessaires.

Elles sont proportionnées non seulement parce que la durée de l’état d’urgence est limitée aux deux événements que je viens de citer mais aussi parce que l’article 11 de la loi de 1955 n’est plus mis en oeuvre, car, comme cela a été dit et répété, les perquisitions ont perdu une partie de leur intérêt. Bien entendu, rien n’interdit de recourir à des perquisitions judiciaires.

L’urgence n’a pas vocation à perdurer. Le Conseil d’État indique dans son avis : « L’état d’urgence perd son objet dès lors que s’éloignent les atteintes graves à l’ordre public » – cela n’est pas le cas – « ou que sont mis en oeuvre des instruments qui, sans être de même nature que ceux de l’état d’urgence, sont fondés sur des moyens de police administrative et judiciaire ayant vocation à répondre de façon permanente à la menace qui l’a suscité ».

Ces instruments ont été co-construits ces derniers mois et années par le Gouvernement et le Parlement. C’est la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, dont les deux décrets viennent d’être pris. C’est également la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et la lutte contre les actes terroristes dans les transports publics de voyageurs. C’est enfin le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et son financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, dont nous allons discuter dans quelques instants.

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