Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où il est demandé à votre assemblée de proroger une nouvelle fois, et pour deux mois, l’état d’urgence, nous sommes dans une situation assez différente de celle que nous avons connue lors des votes précédents. En premier lieu, la vague puissante d’émotion qui a suivi les attentats horribles que nous avons connus à la fin de l’année dernière est largement retombée. Cela ne veut naturellement pas dire que l’inquiétude ne subsiste pas parmi nos concitoyens. Cependant, comme nous l’avons entendu dans certaines interventions, la zone grise qui accompagne la menace reste, dans l’esprit de beaucoup, une éventualité moins perceptible.
Contrairement aux précédents votes, nous disposons aujourd’hui, notamment grâce au contrôle parlementaire, de données précises sur la manière dont l’état d’urgence a été réellement conduit. Ces données, quantitatives et qualitatives, telles que les interventions du juge administratif, éclairent la portée et la nature de certaines décisions. Rien ne vaut de se confronter aux réalités, à la consistance et à la portée des mesures prises.
Je tire deux constats de ces chiffres, qui ont été abondamment cités et sur lesquels je ne reviendrai pas. Le premier est que, si l’émotion s’est éloignée, le danger serait de croire qu’il n’y a plus de danger. De ce point de vue, je le dis avec netteté, nous pouvons et nous devons faire confiance au Gouvernement. Tout d’abord, c’est l’exécutif, non le législatif, qui dispose des instruments de pilotage et de contrôle, du renseignement ou encore de cette trame judiciaire évoquée tout à l’heure par le ministre.
Ensuite, je salue le sang-froid impeccable dont font preuve les pouvoirs publics, au premier rang d’entre eux, le ministre de l’intérieur. Il nous incline à donner notre confiance. La simple lecture des informations publiques nous conduirait à comprendre, à moins de manquer totalement de bon sens, qu’une menace persiste bien dans notre pays. De la même manière, l’organisation de deux très grands événements, dont l’un est de portée internationale – l’Euro de foot et le Tour de France – nous incline à ne pas rester dans une situation où nous n’aurions pas donné au Gouvernement une autorisation d’agir, alors que des accidents extrêmement graves pourraient se produire.
Une seconde considération emporte mon adhésion au projet, tel qu’il est proposé. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes ici à la croisée de l’exercice des pouvoirs respectifs de l’exécutif et du législatif. D’un côté, le Gouvernement, dans l’exercice de sa fonction régalienne, conduit l’ensemble du dossier sécuritaire par la prévention, par l’information, puis par l’action, elle-même autorisée par le Parlement. De l’autre, le Parlement autorise, mais également, il contrôle. C’est là un élément nouveau, qui est extrêmement important, dans la manière dont nous appréhendons le nouvel état d’urgence.
C’est la raison pour laquelle je regrette vivement que nous n’ayons pas pu constitutionnaliser cet état d’urgence. Les malentendus sur ce point ont été nombreux. Constitutionnaliser, ce n’est pas permettre, au contraire !