Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 19 mai 2016 à 9h30
Prorogation de l'application de la loi relative à l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Monsieur le ministre, vous nous demandez de proroger pour la troisième fois et pour deux mois l’état d’urgence qui a été instauré dans notre pays, le 14 novembre dernier, par décret du Président de la République, et qui a été prorogé une première fois par la loi du 20 novembre 2015 et une deuxième fois la loi du 19 février 2016, au vu de la situation que connaît notre pays en matière de sécurité – et que vient de décrire Éric Ciotti. Face à la stratégie des organisations terroristes islamistes qui vise à diviser les Français, à les jeter les uns contre les autres, il est difficile pour un parti de gouvernement comme Les Républicains de faire autre chose que de soutenir l’unité nationale, à un moment où la sécurité de nos concitoyens est en jeu. L’objectif de la protection des Français doit primer ; c’est la raison pour laquelle il va de soi que nous voterons la prorogation, en étant convaincu que l’exécutif, que vous représentez, monsieur le ministre, possède les informations et renseignements nécessaires pour justifier une telle prorogation, informations dont par définition nous ne disposons pas – Mme Bechtel l’a rappelé.

Cela posé, je ne vous cache pas que votre démarche n’est pas sans susciter chez moi quelques interrogations.

Dans le discours qu’il avait prononcé, à Versailles, le 16 novembre 2015, devant le Parlement réuni en Congrès, le chef de l’État avait proposé cette mauvaise affaire de l’inscription dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les binationaux, y compris ceux nés en France, une affaire qui a pollué le débat politique dans notre pays quatre mois durant ; mais il avait aussi proposé de constitutionnaliser l’état d’urgence, précisément pour en encadrer les effets et éviter d’y avoir recours de façon quasi permanente, comme vous le faites aujourd’hui, ce qui finit par dénaturer son caractère même : l’urgence ne peut être en démocratie le droit ordinaire et permanent.

Dans cet esprit, le Premier ministre, Manuel Valls, indiquait le 5 février, à l’occasion de son discours de présentation de la révision constitutionnelle, que celle-ci poursuivait l’objectif suivant : « Adapter notre Constitution, le plus haut de nos textes de droit, celui qui s’impose à tous les autres, à la réalité de la menace. […] Ce sera l’article 36, alinéa 1. […] Cet article ne modifie en aucun cas les conditions qui actuellement justifient la mise en oeuvre de l’état d’urgence. Il encadrera au contraire strictement les motifs de son déclenchement et de sa prorogation. Ils ne pourront plus, comme c’est aujourd’hui le cas, être modifiés par une loi ordinaire. Nous graverons ainsi dans le marbre le caractère exceptionnel de l’état d’urgence. » Force est de constater que ce caractère exceptionnel dure au point de devenir ordinaire !

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