Intervention de Nathalie Chabanne

Réunion du 4 mai 2016 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Chabanne, co-rapporteure :

- La question des équipementiers comme celle des systèmes d'exploitation exigent à nos yeux une double réponse.

La première réponse est une vision industrielle. Si la Commission européenne reconnaissait le caractère mondialisé de la concurrence et acceptait l'existence de champions européens sur toute la chaîne de valeur ajoutée, alors elle pourrait être un outil puissant d'accompagnement.

À cet égard, la question de la consolidation du secteur est un test vital. Or les récentes décisions de Mme Margrethe Vestager, commissaire à la Concurrence, semblent confirmer le maintien d'une approche favorable à la concurrence.

Après avoir refusé en septembre 2015 au Danemark d'avaliser une opération entre les filiales de Telenor et de TeliaSonera, la consolidation sur le marché belge opérée en février dernier semble indiquer que la règle suivie par Mme Vestager est la suivante « si un acteur disparaît, un autre doit émerger ».

Nous ne pouvons qu'espérer que la divergence entre l'approche pro-concurrentielle de la DG Concurrence et celle affichée par la DG sectorielle finira par se combler au profit de la seconde ! Le commissaire européen à l'Economie numérique, M. Günther Oettinger s'est en effet montré beaucoup plus ouvert à l'idée d'une restructuration sans concession imposée, seul moyen de faire des économies d'échelle et d'assurer les investissements nécessaires à la 4G et la 5G.

Cet impératif des investissements est aujourd'hui partagé, y compris par le régulateur national, après une phase – sans doute trop longue – où la priorité a été accordée aux prix.

Le cadre européen doit mettre en avant le principe de « concurrence par les investissements », ce qui permettrait de sortir du débat historique entre concurrence par les infrastructures et concurrence par les services. Cette notion revient à valoriser les acteurs qui investissent massivement, qu'il s'agisse de dégroupage, de mutualisation de réseau ou bien d'investir dans leur propre déploiement, permettant ainsi de préserver la dynamique concurrentielle sur les marchés de détail tout en incitant à un investissement efficace.

La seconde réponse, c'est une régulation renouvelée.

Les enquêtes ouvertes par la Commission européenne à l'encontre de Google, Apple et Amazon concernant leurs stratégies d'optimisation fiscale ne suffisent pas. En effet, les réseaux de service verrouillent l'innovation. Dans cette situation de « réseaugiciel », pour reprendre l'expression de M. Pierre dans son ouvrage « La souveraineté numérique », une application de cartographie innovante imaginée en France est condamnée à l'échec car elle ne sera pas reliée d'entrée à un GPS, à un carnet d'adresses, à un moteur de recherche. Un service isolé n'a plus aucune chance d'atteindre les consommateurs.

À cet égard, il convient de noter et de saluer la communication de griefs adressée par la Commission européenne à l'entreprise Google en avril dernier au sujet de son système d'exploitation Android, à la suite de l'enquête approfondie ouverte en avril 2015. C'est un autre signe qu'une inflexion est possible.

Le cadre actuel se focalise uniquement sur les réseaux de communications électroniques, laissant les géants d'internet et des terminaux échapper à toute règle. Pour faire face aux enjeux posés par la transition numérique de la société, dont l'un des aspects essentiels est la dimension globale qu'elle implique pour un certain nombre de secteurs de l'économie, l'Europe a besoin d'un cadre harmonisé et s'appliquant de manière uniforme à l'ensemble des services et acteurs concernés, et en particulier sur la protection des données personnelles, la fiscalité, les obligations liées à la fourniture de services de communication électronique et de diffusion audiovisuelle mais aussi les questions d'interopérabilité et d'ouverture.

Le réexamen du cadre réglementaire annoncé pour 2016 devrait ainsi concerner au premier chef le caractère équitable des règles, par l'inclusion des plateformes en ligne qui fournissent des services similaires ou équivalents aux services de communication classiques, ces acteurs prenant une importance croissante.

Mais cette question de la régulation, c'est aussi celle de la place du régulateur, en particulier national.

Parce que la régulation doit avoir comme finalité d'assurer un équilibre évolutif entre des objectifs comportant des aspects contradictoires, en particulier entre concurrence et objectifs d'intérêt général ou obligations de service public, elle doit relever pour partie des autorités publiques. Si l'autorité spécialisée de régulation est bien évidemment un des acteurs essentiels du système de régulation, elle ne peut et ne doit pas être « le » régulateur. Renforcer la légitimité des décisions qu'elle est amenée à prendre passe par une forme de contrôle par le Parlement, ou bien, à défaut, par l'institutionnalisation de relations avec ce dernier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion