Intervention de Philippe Louis

Réunion du 28 avril 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Philippe Louis, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens, CFTC :

Tout à fait ! Dès lors que nous avons des idées, nous les défendons.

J'en reviens aux accords de branche. En ce qui concerne la loi travail, nous tenons au rôle-pivot de la branche. La branche doit rester le régulateur, tout en donnant des possibilités de négocier dans l'entreprise. Nous ne pensons pas que ce soit l'entreprise qui doive décider.

Le projet de loi va un peu plus loin parce qu'il met la négociation au niveau de l'entreprise. Ce que nous revendiquons, si la négociation n'aboutit pas dans l'entreprise, c'est qu'elle remonte vers la branche et que ce soit la branche qui décide. Nous ne voulons pas de décision unilatérale.

Nous aurions voulu que la branche puisse mieux cadrer les négociations dans l'entreprise. Ce droit de cadrage peut porter sur des taquets, mais aussi sur des professions ou des filières. Il y a aujourd'hui certaines catégories d'entreprises, comme les start-up, où le code du travail devient un carcan contreproductif pour les salariés. Du coup, ces entreprises deviennent des zones de non-droit. Les ouvertures doivent être plus larges dans ces entreprises, parce que c'est ce à quoi aspirent les salariés. S'agissant des horaires, par exemple, il n'est pas réaliste d'imposer des règles. Cela étant, il faut que ce soit bien cadré.

On voit de plus en plus de pépinières de start-up. Le village « by CA », par exemple, compte environ quatre-vingts start-up, qui sont ouvertes sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il y a toujours du monde. Tous ces gens-là devraient faire trente-cinq heures, avoir onze heures de repos quotidien et ne travailler ni le dimanche ni la nuit.

À mon avis, ce ne sont pas forcément les patrons qui sont là, ce sont sans doute les salariés. Que faire ? Le plus raisonnable est de ne pas inciter les inspecteurs du travail à y aller, sinon ils vont tout fermer. Mais cela peut se retourner contre les salariés.

C'est la même chose pour le droit à la déconnexion. Il faut faire prendre conscience aux patrons qu'ils ont des obligations. Ce ne sont pas les salariés qui règleront le problème du droit à la déconnexion, ce sont les patrons. Le salarié ne se déconnectera pas de son propre chef. Mais si son patron le lui dit, il changera ses habitudes, sachant qu'on ne lui reprochera pas, le lundi matin, de s'être déconnecté.

Il faut parfois laisser une certaine liberté pour opérer de tels changements de comportement. Du coup, les organisations syndicales doivent jouer leur rôle, c'est-à-dire accompagner tous ces salariés. C'est pourquoi le mandatement est important pour nous. Ce n'est pas pour faire de l'ingérence dans les entreprises, mais il faut que les salariés aient quelqu'un vers qui se tourner, ne serait-ce que pour maîtriser le droit, et surtout pour avoir des contacts avec d'autres salariés qui travaillent dans les mêmes conditions qu'eux.

Le syndicalisme, c'est aussi l'ouverture des entreprises vers l'extérieur. Encore une fois, il ne s'agit pas de faire de l'ingérence, mais de savoir comment les problèmes se règlent ailleurs. C'est à cela que nous croyons. Il faut que le syndicalisme se professionnalise.

Si les gens, au sein du syndicalisme, sont livrés à eux-mêmes, si on ne les accompagne pas, si on ne les forme pas, on va à la catastrophe. Cela étant, on a envie de se former quand on est mis en responsabilité. Si on forme les gens et qu'il n'y a aucun enjeu, cela n'a pas d'intérêt.

Je dis à mes militants que je leur fais confiance, qu'ils ont une énorme responsabilité, mais que je vais les aider à assumer, à faire en sorte qu'il n'y ait pas de dérapage dans une négociation d'entreprise. Nous croyons à la négociation d'entreprise dès lors que nous avons des militants, des délégués qui sont formés, informés, soutenus, et qui peuvent se retourner vers d'autres collègues du syndicat. Nombre d'entre eux, en effet, ont tendance à se dire qu'il vaut mieux refuser la négociation parce qu'elle risque de mal tourner.

Le plus sage, j'en suis d'accord, serait d'avoir des délégués bien formés dans toutes les entreprises. Une fois qu'on les a bien formés, on met en place la négociation. Il faut mettre les gens devant leurs responsabilités et les protéger. C'est pourquoi, dans un premier temps, la branche, selon nous, doit rester le régulateur. On doit ouvrir les portes pour qu'il n'y ait pas de dérapage et, une fois que tout sera professionnalisé, on pourra peut-être aller un peu plus loin pour laisser plus de liberté au salarié, qui pourra y trouver son compte.

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